Cet artiste japonais, méconnu du grand public, a laissé une empreinte indélébile dans l’univers du jeu vidéo grâce à ses illustrations oniriques de forêts luxuriantes. Son œuvre, notamment la célèbre jaquette de Secret of Mana, est un véritable hymne à la nature mais surtout un régal pour les yeux.
Il a composé certains des plus beaux tableaux du jeu de rôle japonais et pourtant, il n’existe même pas de page wikipédia à son effigie. Les forêts luxuriantes de Hirō Isono sont identifiables entre mille, mais c’est probablement l’arbre gigantesque qu’il a esquissé pour la jaquette du jeu Secret of Mana qui éveillera pour beaucoup le plus de souvenirs. On y retrouve sa maîtrise d’un pointillisme minutieux, une technique qui consiste à créer un paysage à partir d’une myriade de petits points de couleur. Les compositions sont vibrantes, les couleurs douces et harmonieuses, et la lumière semble presque jaillir de la toile. Si la vie d’Isono est très secrète, on peut, juste en admirant son art, lui reconnaître un amour profond pour la nature, les forêts tropicales, la spiritualité, et les atmosphères oniriques, à la fois familière et étrange. Dans son univers singulier, les limites entre le réel et l'imaginaire s'estompent, et nous invitent à se perdre dans un univers poétique dont on aimerait ne jamais sortir.
Un inconnu à l’origine des plus belles œuvres du jeu vidéo
Les informations au sujet d’Hirō Isono sont maigres. Sur les quelques articles disponibles à son sujet qui rendent tous hommage à ses symphonies visuelles, on y retrouve les mêmes bribes de biographie recalquées. L’artiste est né en 1945 dans la préfecture d'Aichi, où il entame un parcours artistique après avoir décroché son diplôme du département des Beaux-Arts de l'Université d'éducation d'Aichi en 1968. “Il a consacré sa vie non seulement à l'art, mais aussi à l'exploration des forêts les plus reculées et les plus mystérieuses du monde. Son art est devenu un passeport pour des lieux oubliés, son inspiration puisée dans la beauté enchevêtrée d'écosystèmes que beaucoup ne connaissent jamais de première main”, nous raconte notamment le média Yoko Gao. Isono a sillonné les forêts subtropicales des îles Yaeyama et la canopée de l'Amazonie pour son plaisir, mais surtout pour nourrir son imagination spectaculaire. On sait aussi qu’il a rendu visite à la forêt d'Aokigahara, près du mont Fuji, à l'île de Yakushima, aux îles Salomon, à divers endroits d’Amérique du Nord, au Kenya, en Tanzanie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Canada, et même au Maroc. De longues et belles épopées que l’on devine dans ses quelques publications artistiques : Emerald Green en 1990, Emerald Forest en 1996 et Emerald Dream en 2003.
À partir des années 1970, il travaille pour un studio de design d'entreprise, après avoir commencé sa carrière en tant qu'illustrateur indépendant. On raconte aussi qu'étonnement, il était plus connu sur sa terre natale pour ses illustrations de calendriers de bureaux que pour ses peintures, l’un d’entre eux ayant même reçu un prix national. Mais si on parle du génie dans cet article, c’est bien pour l'empreinte inestimable qui a laissée dans le monde du jeu vidéo. Il a insufflé son art unique dans plusieurs jeux de la série Mana de Square, notamment Secret of Mana en 1993, dont il était l'un des principaux artistes, et Heroes of Mana en 2007, accordant à ces épisodes un peu de son identité incroyable. Il a également réalisé les illustrations pour un jeu Game Boy de 1991, Final Fantasy Adventure.
La jaquette la plus parfaite de l’histoire du JRPG
Tout le monde se rappelle d’abord de Secret of Mana pour l’arbre gargantuesque qui monopolise les jaquettes du titre. L'attrait des jaquettes de jeux vidéo, autrefois un aspect important de l'expérience de jeu, s'estompe à mesure que la distribution numérique se généralise. Et pourtant, celle de Secret of Mana, créée par le regretté artiste, est un excellent exemple du pouvoir de cette forme d'art, au point d’être encore régulièrement exhibée sur les réseaux, pour le simple plaisir de pouvoir l’admirer inlassablement. Le jeu était constamment présent sur les étagères des magasins de jeux vidéo dans les années 90, et l'illustration servait de porte d'entrée pour imaginer les aventures qui attendaient les joueurs à l'intérieur. On observe une forêt dense, gracieuse et presque extraterrestre, qui constitue à elle seule une part importante de l'attrait du titre. L'art du jeu a indéniablement contribué à créer une expérience vibrante et intemporelle qui est à la hauteur de la promesse de son superbe visuel.
En 2013, Anime News Network rapporte qu'Isono est décédé le 28 mai d’une attaque cardiaque. Son héritage continue d'être célébré à travers des expositions et des rétrospectives, et transmet encore sa préoccupation profonde pour les problèmes environnementaux, en particulier les menaces que le changement climatique fait peser sur les forêts. Sur l’homme, on ne saura jamais grand chose de plus. Même dans les discussions entretenues par de fervents admirateurs sur Reddit, les recherches sont vaines, et s’arrêtent à l’exploration d’un site de ventes japonais, probablement entretenu par la famille, qui limite l’expédition de certaines de ses réalisations au Japon. Néanmoins si les travaux d’Isono vous intéressent et que vous aimeriez les explorer de manière plus abordable, l’artbook Art of Mana est un bon moyen de les découvrir.