Avec plus de douze épisodes canoniques, cette saga de jeux de rôle est l’une des plus ambitieuses de ces dernières années. Si ce nombre peut paraître impressionnant, son dernier opus est l’un des meilleurs points d’entrée à cet univers riche grâce à sa proposition innovante du genre qui a inspiré les plus grands.
2024 a été une année particulièrement riche pour les jeux de rôle, surtout du côté du Japon. Avec Persona 3 Reload, Final Fantasy VII Rebirth, Like a Dragon : Infinite Wealth et surtout Metaphor : ReFantazio qui a remporté le prix du meilleur RPG aux Game Awards, il y avait de quoi faire. Si ce dernier a été salué pour son système de combat hybride entre temps réel et tour par tour, il a pourtant directement été influencé par un autre JRPG sorti en 2024 chez nous, mais bien avant au Japon, en 2021.
Ce titre, c'est The Legend of Heroes : Trails Through Daybreak et c'est le dernier épisode en date d'une des sagas de jeux de rôle modernes les plus ambitieuses qui soit. À l'approche de la sortie du second opus le 14 février prochain, on vous propose de revenir sur cette série peu connue chez nous, mais aussi sur les spécificités de cet épisode qui a une approche innovante du genre du JRPG.
Trails, l'une des plus ambitieuses sagas de RPG modernes
Pour replacer les choses dans leur contexte, Trails Through Daybreak est le onzième épisode de Trails, une série de JRPG au tour par tour dont les jeux ont la particularité de se suivre chronologiquement par rapport à leur ordre de sortie. Ainsi, le premier Trails in the Sky sorti en 2004 est le jeu fondateur de cette série et Kai no Kiseki, disponible en septembre dernier au Japon, en est le quatorzième opus. Si cela peut paraître impressionnant au premier abord, la saga est découpée en arcs et en fonction des régions du continent de Zemuria pour rendre le tout plus cohérent : tout commence dans le royaume de Liberl avec la trilogie Sky, suivi de la duologie dans la cité-état de Crossbell avec Zero et Azure, puis de la quadrilogie Cold Steel qui se conclut avec Reverie, ce qui nous amène aux Daybreak qui prennent place dans la République de Calvard.
Avec un nombre aussi impressionnant de titres, la saga a su se constituer une solide communauté de fans grâce à des qualités que l'on retrouve systématiquement d'un jeu à l'autre. En 20 ans, il s'est écoulé 7,5 millions de jeux Trails répartis entre douze épisodes, ce qui est quand même pas mal pour une série de niche. Pour comprendre cette "popularité", il faut bien saisir que la première force de la saga ce sont ses mécaniques de jeu de rôle aussi riches qu'efficaces. Comme dit plus tôt, les combats se déroulent au tour par tour et on dispose d'un grand nombre d'outils pour gérer la situation : sorts magiques, compétences, attaques ultimes, placement, bonus aléatoires... Cela se retranscrit également avant les combats avec le système de quartz qui permet de donner des sorts et des bonus passifs à ses personnages de toute sorte afin de les personnaliser comme on veut.

À partir de cette base solide, Falcom réussit à proposer un univers incroyablement riche avec un cadre géopolitique crédible malmené par diverses organisations aux objectifs différents. Malgré son esthétique anime, la franchise aborde de nombreux sujets adultes comme la récession, les ravages de la guerre et même le racisme. Tout cela est rendu possible grâce à des dialogues souvent bien écrits et surtout vraisemblables, même si on retombe parfois dans les clichés anime pour les moments plus légers. Et puis, ce sont surtout les personnages qui constituent la plus grande force de la franchise, tant parce qu'ils sont attachants qu'on les voit évoluer en les retrouvant d'un jeu à l'autre. Imaginez ce que cela fait de voir tous ces visages familiers réunis dans un seul jeu avec Trails into Reverie. C'est un peu comme Avengers : Endgame pour les fans de Marvel.
Malgré toutes ces qualités, la franchise a tout de même des défauts récurrents, certains tellement évidents qu'ils enferment la saga dans son statut de niche. Et comment ne pas parler de l'éléphant dans la pièce : les Trails sont moches et sont graphiquement en retard de plusieurs générations. Rien qu'en 2004, le premier Trails in the Sky avait des allures de jeu PS1 alors que Final Fantasy XII allait sortir deux ans plus tard. Si c'est avec l'arc Cold Steel que la franchise est passé à la 3D, les derniers épisodes comme les Daybreak ont des allures de jeux PS3... et encore. Pourtant, ce n'est pas une paresse de la part de Falcom, mais plutôt une question de moyens. Même si c'est l'un des plus vieux studios de jeux vidéo japonais, cela n'en reste pas moins une petite entreprise d'une soixantaine d'employés. Si ce retard graphique semble être l'un des principaux freins à l'ouverture de la série au grand public, son grand nombre d'épisodes à la durée de vie conséquente qui se suivent directement en est un autre. Fort heureusement, les développeurs ont conscience de ce problème et c'est pour ça que chaque début d'arc constitue un bon point d'entrée, en particulier le premier de l'actuel : Trails through Daybreak.
Trails through Daybreak, une approche innovante du JRPG
Sorti au départ en 2021 au Japon puis en 2024 chez nous, Trails Through Daybreak est le onzième jeu de la saga et le premier épisode de l'arc qui se déroule dans la République de Calvard. On y suit les aventures de Van Arkride, un spriggan qui est un mélange de détective privé et de mercenaire à son compte, qui est un jour contacté par Agnès Claudel, une étudiante qui lui demande d'enquêter sur un mystérieux objet ayant appartenu à son arrière-grand-père, Claude Epstein. C'est une figure centrale de cet univers car il est l'inventeur historique de la technologie orbitale qui permet à tous les appareils modernes de fonctionner. Après une mauvaise rencontre presque fatale, Van va se transformer en Grendel, sorte de forme démonique, grâce à cet objet, ce qui va éveiller sa curiosité. Ensemble, ils vont découvrir la vérité sur ces mystérieux appareils au nombre de huit, ce qui va les amener à se fritter avec une nouvelle mafia qui sévit dans l'ombre de la République.
Si la majeure partie de l'action se déroule dans la capitale d'Edith, on est rapidement amené à découvrir la région de Calvard qui est largement inspiré par la France. Chaque chapitre correspond à une "enquête" qui mêle aussi bien intrigue que combats qui prennent une forme inédite ici. Dans Trails through Daybreak, on retrouve une formule hybride entre temps réel et tour par tour tellement efficace qu'elle a inspiré un certain Metaphor ReFantazio. Concrètement, vous pouvez attaquer directement vos ennemis sur le terrain pour les vaincre ou bien les étourdir pour débuter un affrontement au tour par tour en ayant l'avantage. Ce système a l'avantage de se débarrasser facilement des ennemis faibles tout en dynamisant le rythme de jeu au global. Cependant, il faut noter que la mécanique est encore balbutiante et qu'elle peut être facilement cassée par les plus malins. Néanmoins, elle devrait abandonner ce côté expérimental pour être améliorée dans les épisodes suivants.
À côté de cette approche innovante, Trails through Daybreak peut aussi se targuer d'être un épisode plus mature que ses prédécesseurs. Cela passe avant tout par ses thématiques (trafic de drogue, récession, emprise du monde criminel sur le réel...), mais également par ses personnages, à commencer par le principal, Van Arkide. Loin des héros idéalistes des trois premiers arcs, Van est plus âgé, mais aussi plus pragmatique, avec une morale bien plus grise sans pour autant être une mauvaise personne. De manière générale, l'expérience s'éloigne du manichéisme et propose régulièrement des choix lors de ses quêtes secondaires qui sont loin d'être basiques. Ici il n'est pas question d'être "gentil" ou "méchant", mais plutôt de se contenter de suivre la loi, ou bien de choisir des chemins éloignés, mais plus moraux. Tout cela se répercute dans des jauges entre Loi, Chaos et Gris qui auront des répercussions sur la suite de l'aventure. Mais bon, malgré toutes ces qualités, on retrouve les défauts typiques de la franchise, à savoir le manque de moyens qui offre des graphismes dignes de la PS3, mais aussi à des dialogues partiellement doublés.
Récemment, Kondo Yoshihiro, président de Falcom, a déclaré que la série des Trails était terminée à 90% terminée avec la sortie de Kai no Kiseki, troisième et dernier épisode de l'arc Calvard. Pour le moment, ce dernier n'est pas annoncé chez nous puisque Trails through Daybreak II, l'épisode juste avant, est prévu pour le 14 février prochain. Malgré tout ça, il n'est pas trop tard pour découvrir la franchise si cet article vous en a donné envie. Si l'idéal serait évidemment de commencer par Trails in the Sky, vous pouvez très bien débuter par le premier Trails through Daybreak qui sera plus facile d'accéder par sa "modernité". Et si vous êtes un peu patient, on vous conseille même d'attendre Trails in the Sky 1st Chapter, le remake du premier épisode qui reprend la formule de Daybreak, qui doit sortir cette année. En espérant que Falcom réserve ce traitement à toute la franchise !