Si Clint Eastwood a sûrement tourné ce chef-d’œuvre avec les meilleures intentions du monde, son réalisateur a préféré l’utiliser pour se venger d’Hollywood.
Clint Eastwood, la star montante du western
À l’époque du tournage de Pour une poignée de dollars, Clint Eastwood était encore peu connu en dehors des États-Unis. Il s’était fait un nom grâce à la série télévisée Rawhide, mais Hollywood ne lui offrait pas encore de rôles marquants. C'est grâce à Sergio Leone qu'il devient une icône du western spaghetti et forge son image de cow-boy taciturne et redoutable. Avec Et pour quelques dollars de plus, puis Le Bon, la Brute et le Truand, il assoit définitivement son statut de star internationale.
Aujourd’hui, il est encore une star importante du cinéma, avec une longévité quasiment exceptionnelle. À 94 ans, l’homme est encore extrêmement actif. Son dernier rôle remonte à 2021 dans Cry Macho, mais il œuvre aussi derrière la caméra avec dernièrement l’excellent Juré Numéro 2. Si tout semble réussir à Eastwood, c’est toujours étonnant de découvrir qu’il avait vraiment des problèmes avec Hollywood. Ce chef-d’œuvre aurait d’ailleurs dû le venger de l’industrie.

La revanche de Sergio Leone
Dans l'ouvrage Conversations avec Sergio Leone de Noël Simsolo, le cinéaste italien explique qu'il a décidé de tourner ce film non pas par simple envie artistique, mais par ressentiment envers la société de production Jolly Film, qui avait financé Pour une poignée de dollars. "Par désir de vengeance. Six mois après sa sortie, Pour une poignée de dollars était en tête du box-office dans plusieurs pays. (...) Mais la crapulerie de la Jolly me restait sur l’estomac."
Jolly Film, dirigée par Arrigo Colombo et Giorgio Papi, avait été la seule à accepter de produire Pour une poignée de dollars. Cependant, n'ayant pas acheté les droits du film Yojimbo d'Akira Kurosawa dont le film s'inspirait largement, les producteurs perdirent leur procès contre le maître japonais. Cette défaite juridique coûta cher à Jolly Film... et à Leone lui-même, qui fut privé de son salaire et de son pourcentage des bénéfices. Furieux de cette situation, Leone prend une décision radicale : il coupe les ponts avec Jolly Film et leur annonce qu'il va réaliser un autre western uniquement pour leur porter préjudice. "Je ne savais pas si j’avais envie de faire un autre western, mais je vais en faire un. Uniquement pour vous faire du mal. Et il s’appellera... Et pour quelques dollars de plus."

Malgré cette motivation initiale purement revancharde, Leone n’avait encore aucune idée du scénario. Il savait seulement qu’il reprendrait Clint Eastwood et Gian Maria Volonté dans les rôles principaux. Avec l’aide du producteur Alberto Grimaldi, il se lance dans le projet et s’associe pour toucher 50% des bénéfices du film en plus de son salaire et de ses frais. Un véritable pied de nez à Jolly Film, qui ne put profiter du succès colossal de ce deuxième opus. Ironiquement, la vengeance deviendra l'un des thèmes les plus marquants du western spaghetti, genre popularisé par Leone lui-même.