John Wayne, icône et symbole des valeurs conservatrices américaines, déteste viscéralement ce film culte. Pourtant, il est devenu un chef-d’œuvre du genre pour sa modernité et sa portée politique.
Un western pacifiste qui divise Hollywood
Sorti en 1952, Le train sifflera trois fois (High Noon en VO), réalisé par Fred Zinnemann, est aujourd’hui considéré comme un classique du western. Mais, à l’époque, ce film n’a pas fait l’unanimité, notamment auprès de John Wayne, la plus grande star du genre. L’acteur ne mâchait pas ses mots, qualifiant même le film de : “la chose la plus anti-américaine que j’ai jamais vue de ma vie”.
Pourquoi une telle réaction ? Le film raconte l’histoire de Will Kane, interprété par Gary Cooper, abandonné par ses concitoyens alors qu’il s’apprête à affronter seul un criminel fraîchement sorti de prison qui cherche à se venger de lui. Contrairement aux westerns traditionnels qui glorifient l’action héroïque et la solidarité virile, Le train sifflera trois fois met en scène un homme isolé, confronté à la lâcheté collective.
Film : Le train sifflera trois fois

Cette posture dérange alors John Wayne. Dans un contexte marqué par le maccarthysme (délation et persécution envers les gens qui prônaient le communisme dans les années 50), l’œuvre est perçue comme une critique à peine voilée de la société américaine. Le scénariste Carl Foreman, soupçonné de sympathie communiste, fut d’ailleurs mis sur liste noire peu après la sortie du film. Pour John Wayne, fervent défenseur de la chasse aux “rouges”, ce message allait à l’encontre des valeurs patriotiques qu’il prônait.
Une réponse politique à la peur et à la délation
Le rejet du film par une partie d’Hollywood et notamment par Wayne s’explique aussi par le contexte politique de l’époque. Dans les années 50, les États-Unis sont plongés dans une “chasse aux sorcières” idéologique. Des artistes, scénaristes et réalisateurs sont convoqués par la commission des activités anti-américaine pour répondre de leurs opinions ou de leurs liens supposés avec le communisme.
Film : Le train sifflera trois fois


Le personnage de Kane, seul face à la peur des autres, devient une métaphore puissante : celle d’un individu debout quand tout le monde se tait. En cela, Le train sifflera trois fois est perçu comme une œuvre subversive, appelant à la responsabilité morale face à l’oppression. John Wayne, qui croyait en une vision plus virile et nationaliste de l’Amérique, n’y voyait qu’un pamphlet contre l’ordre établi de l’époque.
Fait ironique : malgré ses critiques, Wayne finira par accepter de jouer dans Rio Bravo, une histoire rappelant celle de High Noon, mais dans laquelle le doute de soi, les tons gris moraux et la critique sociale sont considérablement réduits.