L'amour des jeux vidéo d'aventure : redécouverte d'un genre méconnu et ses pépites contemporaines

Titre original : Pourquoi j'aime ces jeux vidéo que tout le monde ignore ?

Malgré la persistance d’un enthousiasme discret, ce genre, qui a bercé l’enfance de nombreux joueurs et continue de raconter des histoires captivantes, demeure un plaisir à part. Mais il n’a pas dit son dernier mot et regorge de pépites à ne pas manquer.

Le curseur clignote sur l’écran, la musique démarre, et en quelques secondes, me revoilà dans les Caraïbes pleines de charme de Monkey Island. Trois ans plus tôt, je me suis replongée avec un plaisir presque enfantin dans Return to Monkey Island, épisode signant plus qu’un simple retour : c’était l’événement. Le come-back inespéré de Ron Gilbert, reprenant le fil de son histoire après des décennies, et offrant une suite directe à deux chefs-d'œuvre intemporels : The Secret of Monkey Island et Monkey Island 2: LeChuck’s Revenge. À ce moment-là, je me suis pris à rêver : et si c’était le début d’un renouveau pour le genre ? On commençait à voir fleurir les annonces de revival, à l’instar d’un nouveau Simon the Sorcerer qui se fait encore attendre pour la fin d’année. J’y croyais sincèrement, à un retour modernisé, fidèle dans son gameplay "pointer-cliquer" mais adapté à l’époque, avec des interactions contextuelles, des dialogues réactifs, une interface épurée ; tout ce qu’il faut pour rallumer la flamme. Je voulais me convaincre que l’enthousiasme que je ressentais pour ses personnages hauts en couleur, leur humour absurde et les énigmes malines allaient être contagieux. Mais, hélas, la hype attendue n’a pas pris. Le genre reste un plaisir discret, presque confidentiel, savouré par une poignée de passionnés.

Une révélation narrative

Enfant des années 90, j’ai grandi au cœur de l’âge d’or des jeux PC, des démos sur CD dans les magazines, d’Adibou et des jeux installés à la va-vite sur les ordis familiaux. Mes premières rencontres avec les jeux d’aventure remontent à cette époque. Broken Sword, Runaway, The Longest Journey… Le point-and-click m’a très tôt séduit par sa façon unique de raconter une histoire et de me laisser en être un acteur réfléchi. En 2012, j’ai reçu une claque mémorable avec The Walking Dead de Telltale. J’ai poursuivi avec The Wolf Among Us et Tales from the Borderlands. L’un m’a captivé par son ambiance noire et son mystère digne d’un polar, l’autre m’a fait rire et m’a attaché à un univers que je ne connaissais même pas. J’ai fini par accepter l’illusion des choix : oui, on n’influence pas tout, mais on y croit, et ça suffit à rendre l’expérience immersive. Life is Strange m’a touché profondément, par son atmosphère, ses personnages et ses décisions, même si le scénario suit des rails. L’émotion, elle, était bien réelle. Ce que j’aime dans ces jeux, c’est leur nature même : l’histoire avant tout. Ici je peux simplement m’asseoir, observer, réfléchir. J’avance à mon rythme, je parle aux personnages, je fais des choix, je résous des énigmes. Pas de stress, juste l’envie de se laisser emporter par le récit. Ces titres me permettent d’entrer dans l’histoire, de faire partie du voyage, même si la destination est déjà plus ou moins tracée.

Pourquoi j'aime ces jeux vidéo que tout le monde ignore ?

Évidemment, le genre a ses détracteurs. On accuse les choix qui ne changent rien, des énigmes absurdes, ou encore le pixel introuvable dans un décor. On dit que le genre n’a pas su évoluer, que les grands mondes ouverts 3D l’ont ringardisé. Même Grim Fandango, aujourd’hui considéré comme un chef-d'œuvre, fut un échec commercial à sa sortie. La transition technique a été rude, et les budgets sont devenus difficiles à justifier. Mais malgré tout, le point-and-click ne s’est jamais éteint. Il a simplement muté, discrètement, grâce aux studios indépendants, aux fans, aux campagnes Kickstarter.

Les recos point'n click du moment

Et puis il y a les découvertes plus récentes. Parmi mes dernières en date : The Drifter. Ce thriller d'aventure point-and-click plonge le joueur dans une conspiration complexe. Vous incarnez Mick Carter, un vagabond qui, après avoir été témoin d'un meurtre brutal et avoir lui-même péri, se réveille mystérieusement quelques secondes avant sa mort. Cette résurrection inexpliquée le propulse au cœur d'une intrigue mêlant corporations louches, meurtres en série, et une obsession millénaire, le tout inspiré par l'ambiance des œuvres de Stephen King, Michael Crichton et John Carpenter.

Pourquoi j'aime ces jeux vidéo que tout le monde ignore ?

L’ambiance est sombre, tendue, presque poisseuse. Le héros, Mick Carter, se retrouve au cœur d’une conspiration étrange, et chaque minute de jeu est empreinte de mystère et d’urgence. Les énigmes sont fluides, intelligentes, jamais gratuites. Le doublage est d’une justesse impeccable, notamment pour le personnage principal, qui transpire la fatigue et le doute. Le jeu inclut une mécanique de résurrection quand vous fautez, brutale et intrigante, qui pousse à être malin, à observer, à anticiper

  • Essayer The Drifter sur Steam (démo)

Un autre jeu dernièrement fait que je recommande chaudement à tout amateur du genre, c’est Loco Motive. Derrière son esthétique pixel art pleine de charme se cache une aventure à l’ancienne, bourrée d’humour british et de rebondissements à la Agatha Christie. L’action se déroule dans un train des années 1930, où meurtres, secrets de famille et énigmes loufoques s’entremêlent avec brio. Ce qui m’a particulièrement plu, c’est son ton léger mais bien écrit, ses personnages savoureux, et ses puzzles qui évitent le piège du moon logic tout en restant stimulants. C’est le genre de jeu qu’on termine avec le sourire aux lèvres, un petit bijou qui prouve que le point-and-click peut encore surprendre, divertir et rassembler.

Pourquoi j'aime ces jeux vidéo que tout le monde ignore ?
  • Acheter Loco Motive sur Steam
Pourquoi j'aime ces jeux vidéo que tout le monde ignore ?Pourquoi j'aime ces jeux vidéo que tout le monde ignore ?
  • Essayer Norco sur Steam (démo)
  • Acheter The Excavation of Hob's Barrow

Dans un registre plus atmosphérique et audacieux, je ne peux que conseiller NORCO et The Excavation of Hob’s Barrow, moins récents mais immanquables. Le premier, une dystopie cyber-gothique dans le sud des États-Unis, mêle poésie industrielle, mysticisme local et critique sociale avec une force rare. C’est un jeu dense, qui pousse le genre dans des territoires inexplorés, tout en gardant une narration poignante et très personnelle. Le second, signé Cloak and Dagger Games, plonge dans un folklore anglais inquiétant et maîtrisé, où l’angoisse se distille lentement au fil des dialogues et des découvertes. Hob’s Barrow réussit à être à la fois captivant, élégant et glaçant, avec une direction artistique et sonore impeccables. Et ne passez pas à côté de The Case of the Golden Idol, jeu de déduction pure à l’ancienne, subtil mélange entre Return of the Obra Dinn et un vieux Cluedo. Le principe : résoudre une série de meurtres en reconstituant les faits à partir d’indices visuels et textuels. Une pure réussite pour les amateurs de réflexion.