Pourquoi The Legend of Zelda : Wind Waker ne figure pas dans mon top malgré son impact générationnel

Titre original : Ce Zelda a bercé une génération et pourtant il ne fait pas partie de mon top !

On a tous un jeu que tout notre entourage adore. Un jeu qui, malgré tous les efforts du monde, n’arrive pas à nous plaire. Une situation qui peut provoquer plusieurs types de réactions. On s’indigne, se persuade que “ils n’ont rien compris”. Je ne vous le cache pas, j’ai pendant longtemps été de ce côté là. Puis avec les années qui passent et la sagesse qui arrive, j’essaie de prendre le temps. Quelle est la chose qui rend ce titre si cher à leurs yeux ? Qu’est-ce donc que je ne comprends pas qui fait son charme ? Un exercice auquel je me suis plié pour un Zelda particulier.

Un exercice d’avocat du diable entre guillemets qui permet de prendre du recul. Surtout de faire intervenir d’autres facteurs, souvent plus subjectifs, dans l’appréciation d’un jeu par X ou Y. Nombre de raisonnements entrent en compte et sont perceptibles des années voire des décennies plus tard, lorsqu’il s’agit d’expliquer le succès d’un jeu. Par exemple, la contextualisation de son lancement; dans quel cadre le jeu a été découvert… Et il faut dire qu’en termes de lancement, le Zelda dont je m’apprête à parler n’a pas eu la plus calme des sorties.

Les derniers milléniaux caressés par les vagues

Il faut dire que le pauvre petit Link protagoniste a beaucoup à porter sur ses épaules. Si son aventure commence par le kidnapping de sa sœur, il doit aussi concrétiser les attentes colossales que portent les joueurs à son encontre. The Legend of Zelda : Wind Waker passe après le monumental The Legend of Zelda : Ocarina of Time, encore aujourd’hui considéré comme le meilleur jeu vidéo de tous les temps. Sorti sur Nintendo 64 en 1998, il révolutionne le jeu d’aventure en 3D à l’époque et propose un voyage jamais proposé alors. En outre, il introduit ce qu’il appelle la visée Z : de quoi verrouiller un ennemi tout en lui tournant autour. Une fonctionnalité prise et reprise par les jeux qui suivent, des décennies après et encore aujourd'hui même.

Il est vrai qu’entre Ocarina of Time et Wind Waker, il existe Majora’s Mask. Un épisode particulier de la saga pour son ton mature, son environnement sombre et son temps de développement court. Il est également sorti sur Nintendo 64 mais nécessitait alors l’expansion pack : un accessoire rendant, grosso modo, la console plus puissante. Pour tout ça, Majora’s Mask divise à sa sortie et affiche toujours une aura de Zelda un peu secondaire : pour moi, il sera toujours considéré à tort comme un sous-Ocarina of Time de la N64.

À l’inverse, The Legend of Zelda : The Wind Waker symbolise pour beaucoup le lancement d’un nouveau cap, d’une nouvelle génération. C’est le premier jeu de la saga à être lancé sur la Gamecube (2001) : une console plus puissante que la précédente et donc, dans l’esprit, un épisode censé proposer une aventure encore plus folle que celle découverte à partir du 21 novembre 1998. Plongés en plein rêve, beaucoup vont boire la tasse à la vue des premières images.

Avant la sortie de Wind Waker

On l’a dit, The Legend of Zelda : The Wind Waker est sorti au Japon fin 2002 et dans le reste du monde lors du premier semestre 2023. Ses premières promotions datent alors de 2021 et les premières images du jeu montrent un épisode GameCube employant le cel shading : une technique de synthèse d’images où la palette de couleurs est réduite et les contours plus marqués ayant comme résultat un style dessin-animé, cartoon. Une technique qui, outre le fait de marquer sa direction artistique, peut servir à économiser des coûts de production.

Comme vous pouvez l’imaginer, un tel choix fait l’objet de critiques avant la commercialisation de The Wind Waker. Ils ont en plus le sentiment d’avoir été trompés ! En 2000, une version de démonstration technique est montrée lors du Nintendo Space World : une conférence organisée par Big N lorsqu’il estimait qu’il avait des choses à montrer comme des jeux ou des consoles. On y voit un Link adulte affronter Ganondorf dans une valse d’épées. Si ça n’a rien d’impressionnant aujourd’hui, mais imaginez pour l’époque… Une anecdote qui agit comme raison supplémentaire de ne pas toujours fantasmer sur les démos techniques présentées par les studios de développement.

La joueurs râlent donc et il faut dire que même Shigeru Miyamoto, le créateur de Mario et de la licence Zelda, s’est rangé de leur côté. 20 ans après la sortie, on a même appris qu’il avait suggéré lors du développement “qu’il n’était pas trop tard pour revenir à une direction artistique plus réaliste”. Bonjour l’ambiance…

Un choix de cel-shading judicieux

Et force est de constater qu’aujourd’hui, que son réalisateur Eiji Aonuma a été visionnaire. Connue pour ses innovations à chaque épisode (la sauvegarde dans le premier Zelda, la visée Z, le cycle de 3 jours…), la série des Zelda continue cette tradition via son style graphique. À l’époque, le cel-shading est extrêmement minoritaire (bien qu’un certain Jet Set Radio soit sorti quelques années auparavant) et c’est bien The Wind Waker qui va montrer que l’on peut s’en servir pour en faire un excellent jeu.

Sans rentrer dans les détails techniques et surtout pour quand même ne pas dériver sur les rives du hors-sujet, c’est surtout pour le défi commercial que je trouve le choix très judicieux. La GameCube fait office de concurrente directe à la PlayStation 2 et part forcément perdante : elle ne dispose pas d’un lecteur de disque DVD ce qui la rend moins attractive et son moteur ne vrombit pas autant. Aussi excellent soit-il, Luigi’s Mansion 1 n’en a pas autant dans le ventre que Final Fantasy X.

Nintendo prend donc le paris osé de mettre de côté ces joueurs amateurs de maturité et de techniques de côté et essaie de récupérer une toute nouvelle audience : la fin de génération milléniale, née entre 1990 et 1995, qui met ses mains tôt sur tout ce qui est informatique et numérique. Le choix du “cartoon” est alors à propos puisque ce sont les parents qui décident des achats et se disent que ça peut convenir. Dans cette lignée là, le Link encore enfant marche tout aussi bien puisqu’il peut servir d’identification au jeune joueur. Et j’imagine bien quelle peut être la réaction d’un gosse embarquant sur Lion Rouge à toute allure, des heures durant, pour voguer d’île en île en tant que héros de la destinée.

Un charme qui a opéré et qui subsiste encore chez de nombreux amis, collègues ou encore confrères à moi qui partage mon âge (ou presque). J’en ai même eu la confirmation tout à l’heure lorsque l’un d’entre eux m’a dit “Ha, Wind Waker c’est le meilleur de tous” et a répondu par l’affirmative lorsque je lui ai demandé si c’était son premier épisode 3D. C’est là que vient toute la complexité de la première découverte et comment elle peut tout chambouler.

Les donjons de deuxième partie (avec les compagnons) ne sont mémorables que pour l'agacement qu'ils provoquent.

Ce Zelda a bercé une génération et pourtant il ne fait pas partie de mon top !

Le mal de mer

Comme le suggère mon petit encart en haut de cet article, ce sont mes aînés qui m’ont éduqué aux jeux vidéo. J’effaçais déjà les parties Pokémon Rouge de mon frère aîné avant de savoir lire et c’est tout naturellement que j’ai, forcément, découvert Zelda par Ocarina of Time. Un titre qui m’a fait avoir des standards tellement élevés pour la série que, encore plus aujourd’hui et malgré le fait qu’il reste un jeu exceptionnel, The Wind Waker ne peut pas, pour moi, être dans le top 5 des meilleurs Zeldas en 3D. Tombé à pic, une discussion sur le réseau social Reddit a lancé les débats sur les 5 meilleurs Zelda de tous les temps selon les joueurs. Peu mentionnent Wind Waker dans le leur :

La sensation d’une première aventure Zelda mise de côté, l’épisode GameCube dispose d’une aura moins impressionnante que les autres. Peut-être, justement, à cause de son côté dessin animé. Il y moins d’épique, moins de mystique que dans un Ocarina of Time ou même que dans un Skyward Sword. Et si c’est avec ce dernier qu’une place peut faire débat, c’est le rythme et la créativité qui manquent en comparaison de l’épisode Wii. La répétitivité du dernier segment de l'aventure lorsqu’il faut récupérer les huit morceaux de Triforce éparpillés dans tout l’océan viennent achever une seconde partie au globale frustrante. Là où, si Skyward Sword peut lasser en début de partie, le titre prend son envol dans une seconde partie aussi tendue que jouissive. Sans parler de son émancipation créative en termes de level design par rapport aux précédents épisodes de la série. Pour moi, il est inutile de revenir sur Ocarina of Time, Majora’s Mask, Breath of the Wild ou Tears of the Kingdom tant je considère comme impossible la possibilité de s’ennuyer sur ces jeux vidéo.

Moi aussi j'ai la larme à l'œil dès que j'entends son thème musical...

Ce Zelda a bercé une génération et pourtant il ne fait pas partie de mon top !

Que nos découvertes soient d'éternelles premières

Soyons bien clair : je ne considérerai jamais The Wind Waker comme un mauvais jeu. Mais lorsque l’on est affublé de The Legend of Zelda comme lettres de noblesse, on rentre dans la cour des grands. Et choisir un top de jeux Zelda, cela revient à renoncer à certains, aussi excellents soient-ils. Je trouve d’ailleurs comique de constater à quel point la découverte d’un jeu X ou Y avant un jeu Z puisse autant influer la perception d’autres épisodes d’une même licence.

Je dis souvent que l’on écrit pas ce genre d’articles édito pour dire ce que l’on pense mais pour le chercher. Arriver à m’expliquer par écrit pourquoi je ne porte pas autant The Wind Waker dans mon cœur qu’une majeure partie de mon entourage parvient à réaliser en même temps deux choses contradictoires : celle de justifier l’amour qu’ils portent à ce jeu tout en me plaçant définitivement de l’autre côté du rivage. En tout état de cause, nous avons jeté l’ancre dans le même océan de plaisir qu’est Zelda. C’est juste que nos voiles ne naviguent pas sur les mêmes vents.