Retour dans les livres d’histoire du gaming. Découvrez comment, il y a presque 30 ans, une action de Nintendo a fait apparaître son plus grand rival, donnant naissance à un affrontement qui dure encore aujourd’hui.
Il fut un temps où la guerre des consoles était bien différente, tout simplement parce que les adversaires actuels n’existaient pas tous. Au début des années 90, Nintendo menait le milieu du jeu vidéo et tenait tête à tous ses concurrents, notamment SEGA. Mais un nouveau rival allait se dresser contre l’inventeur de Mario : Sony et sa PlayStation.
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Nintendo et Sony main dans la main
En 1988, Nintendo était bien installé dans le monde du jeu vidéo. La NES est un franc succès et des jeux mythiques sont sortis depuis peu (Super Mario Bros, Metroid, The Legend of Zelda). Sony, l’autre acteur de notre histoire, n’avait même pas encore un pied dans ce milieu. Mais ils avaient des vues sur celui-ci : les dirigeants avaient flairé un filon exploitable dans les jeux vidéo et souhaitaient s’y installer. Mais ce n’est pas encore le moment de la Playstation : Sony préfèra entrer en négociations avec Nintendo pour produire un dispositif compatible avec la prochaine console de l’entreprise, la SNES.
La SNES, l'une des sources du divorce entre Sony et Nintendo.

Les deux multinationales s’accordèrent sur une collaboration : Sony, déjà ancré dans le milieu de la musique et ayant acquis Columbia Records peu avant, développera le SNES-CD, un lecteur de CD-ROM additionnel pour la SNES, la nouvelle console de Nintendo dont la mise en vente était alors prévue pour 1990. C’était un bon marché pour Sony qui réussissait enfin à s’introduire dans l’industrie du jeu vidéo avec la plus grosse entreprise du milieu.
Mais quelques mois après la signature de cette collaboration, Nintendo commença à s’inquiéter. Sony était en train de développer une machine qui servira plus tard de base à la PlayStation. Le problème n’était pas forcément une console adverse, mais la technologie utilisée pour les disques. En effet, le Super Disc confectionné par Sony serait présent sur la SNES, mais aussi sur la nouvelle console. Nouvelle inquiétante pour les papas de Mario et Link puisque Sony était désormais en capacité de construire ses propres CDs et de les utiliser sur leur future console, tout en tirant profit des cartouches de SNES qui seraient compatibles sans que Nintendo puisse protester d’une quelconque façon. Le divorce était proche.
D’alliés à ennemis
La fracture entre Nintendo et Sony se creusa définitivement lors du CES (Consumer Electronics Show) de Chicago en juin 1991. Lors de sa conférence, Sony annonça la Play Station, une console avec un port adapté aux cartouches de la SNES et un lecteur de CD-ROM pour jouer des Super Discs. Chez Nintendo, les dirigeants étaient furieux et avaient l’impression que Sony essayait de les doubler. Le jour suivant l’annonce de la Play Station, Nintendo choisit d’aller à contre courant : la collaboration avec Sony était annulée, la firme à la couleur rouge ne serait pas impliquée dans la Play Station et une nouvelle alliance était dès lors formée avec Philips, les rivaux néerlandais de Sony depuis bien longtemps. Cette collaboration avait les mêmes intérêts pour Nintendo, mais cette fois-ci les contrats étaient bien mieux ficelés et Philips ne pourrait rien tirer des licences que possédait l’entreprise japonaise.
Le CD-i, résultat de la collaboration entre Nintendo et Philips.

Cette annonce fit l’effet d’une bombe au Japon. Nintendo avait brisé une règle informelle qui interdisait à deux entreprises japonaises de se trahir l’une l’autre, particulièrement en faveur d’une firme étrangère. Il n’y eut toutefois pas de conclusions légales et financières à cette rupture de contrat, les entreprises ayant trop à perdre : Sony comptait toujours sur les cartouches de SNES et Nintendo utilisait une puce audio conçue par Ken Kutaragi, le futur père de la PlayStation.
L’avènement de Playstation
La Play Station ne vit jamais vraiment le jour. Quelques prototypes furent conçus mais aucune Play Station ne fut jamais commercialisée. Le deal avec Nintendo avait échoué, mais Sony n’avait pas dit son dernier mot. S’ils ne pouvaient s’allier à des constructeurs déjà installés, ils auraient leur propre console autonome dont ils seraient l’unique propriétaire. Ken Kutaragi parvint à convaincre les dirigeants sceptiques de Sony que le jeu vidéo était une industrie en constante évolution, et qu’il y avait un nouveau train à prendre très souvent. Confiant dans ses capacités et les connaissances qu’il avait engrangés durant ces mois de collaboration avec Nintendo, il pensait pouvoir concevoir une console qui surpasserait la SNES et dominerait le marché tout entier.
La Playstation, la première tentative hyper rentable de Sony.

L’argument le plus fort de la PlayStation (sans espace cette fois-ci) était sans aucun doute l’implémentation de la 3D, surtout en comparaison avec la SNES de Nintendo. Si la maison mère pouvait se concentrer sur le matériel technique, elle n’avait cependant aucune expérience en conception de jeu. Il lui faudrait donc se reposer sur des développeurs tiers qui proposeraient des jeux. Le nouveau challenger du jeu vidéo se tourna alors vers Namco et Konami, deux éditeurs qui avaient rencontré des problèmes lors de la collaboration avec Nintendo, tout comme Sony. L’alliance n’en fut que plus simple. Rapidement, Sony s’était constitué une grande équipe d’éditeurs et de développeurs tiers, prêts à proposer des titres dès la sortie de la console. Ainsi, en 1994, lors du lancement de la PlayStation, les joueurs ont pu découvrir dès le premier jour des jeux comme Ridge Racer, véritable claque technique pour l'époque.
La PlayStation est ainsi née d’un divorce entre Sony et Nintendo, à une époque où les deux entreprises étaient encore loin du succès qu’elles connaissent aujourd’hui, particulièrement la première. Certains diront que Nintendo était trop arrogant, d’autres que Sony était trop ambitieux. Une chose est sûre : cet affrontement a marqué l’histoire du jeu vidéo. Aujourd’hui, la PlayStation a très largement dépassé le nombre de ventes de la SNES, à plus de 100 millions d’unités vendues pour Sony contre moins de 50 millions du côté de la console de Nintendo. Ce fut le premier face-à-face entre les deux firmes, ouvrant la voie à une rivalité historique qui perdure encore de nos jours.