L'émergence des jeux vidéo en stop-motion : un retour aux sources face à l'hyperréalisme numérique

Titre original : Ces jeux vidéo sont différents des autres, l'hyper réalisme n'est pas forcément l'avenir !

Dans un monde où l’hyperréalisme technique dicte l’avenir du jeu vidéo, une esthétique intemporelle et pleine de charme fait un retour remarqué…

Dans un monde où l'hyperréalisme technique semble dicter l'avenir du jeu vidéo et influencer certaines conditions d'achat, une esthétique intemporelle et pleine de charme connaît un retour en force remarquable : l'animation en volume, plus communément appelée "stop-motion". Cette technique nous renvoie, pour certains, à de chaleureux souvenirs d'enfance, à condition de ne pas avoir été rebutés très jeunes par les personnages en pâte et à armatures métalliques de Wallace et Gromit. Pour ma part, c'était un véritable régal cinématographique, un spectacle texturé et familial. Loin de la course aux pixels toujours plus nombreux, des développeurs prouvent que la beauté et l'immersion peuvent résider dans le tangible, l'artisanal et le fait main, offrant aux joueurs une expérience visuelle et narrative unique qui touche une corde nostalgique.

Ces jeux vidéo sont différents des autres, l'hyper réalisme n'est pas forcément l'avenir !

Une résurgence récente de popularité a été observée, notamment avec la sortie officielle de Harold Halibut, petite pépite du Xbox Game Pass ancrée dans un style science-fiction très typé années 70, se rapprochant en tous points des films de Wes Anderson. On y suit les péripéties d'Harold, un homme maladroit et souvent à côté de la plaque, qui évolue à bord du Fedora, un vaisseau spatial de la taille d'une ville, où il officie en tant qu'homme à tout faire. Ce projet est né en 2012 des discussions des membres du studio allemand Slow Bros, lors d'un dîner autour de leur amour des jeux narratifs et de la stop-motion. On peut également citer The Midnight Walk, un jeu horrifique sorti de l'univers Burtonesque de Lost in Random et publié en mai 2025. Plus discrets, Judero, un jeu d'action-aventure médiéval sorti en 2024, et Once A Tale, une aventure de puzzle 3D inspirée de Hansel et Gretel (2023), ou encore The Many Pieces of Mr. Coo, une aventure "capricieuse" en point'n'click qui ne manque pas de cachet (2023). Des jeux plus anciens, comme The Neverhood, The Dark Eye et Skullmonkeys, avaient aussi déjà exploré ce mariage entre le physique et le numérique dès les années 90. Les textures enrichissent considérablement l'œuvre finale, rendant le jeu vidéo moins "numérique" et plus tactile. Les productions se distinguent généralement par leurs histoires imaginatives et leurs personnages excentriques, souvent parfaits pour les joueurs occasionnels comme pour les passionnés.

Out of Words : Le prochain éclat du fait main

Parmi les annonces récentes qui illustrent cette tendance, Out of Words a récemment séduit les spectateurs du dernier Summer Game Fest. Ce jeu de plateforme coopératif, qui rappelle fortement l'énergie et la narration d'It Takes Two, se distingue par son style d'animation stop-motion absolument magnifique, où "tout a été fabriqué à la main". L'histoire d'Out of Words se déroule dans le "royaume coloré de Vokabulantis" et met en scène deux protagonistes, Kurt et Karla, embarqués dans une bataille pour sauver leurs terres. Développé conjointement par le studio de jeux Kong Orange et le studio d'animation stop-motion Wired Fly, le titre promet une aventure nécessitant coopération, communication et synchronisation parfaite entre les joueurs, avec des puzzles basés sur la physique et la manipulation de la gravité. Du Josef Fares, mais version ultra artisanale ! Le jeu est prévu l'année prochaine sur PC via Epic Games Store, PlayStation 5 et Xbox Series X|S.

La technique derrière la magie

Vous vous en doutez probablement, mais derrière l'apparence charmante du stop-motion se cache un processus laborieux et méticuleux. Une simple manche de pull qui accroche un élément de décor peut forcer à recommencer une scène entière. Initialement, la stop-motion était un raccourci rentable face à la difficulté et au coût de la modélisation 3D au début des années 90, comme pour Goro dans Mortal Kombat ou les ennemis de Doom. Des jeux comme ClayFighter et Claymates ont même utilisé des modèles en argile pour tous leurs personnages. Aujourd'hui, de nombreux studios adoptent une approche hybride pour concilier la beauté du fait main avec les exigences des jeux modernes. Par exemple, l'équipe derrière Harold Halibut a décidé de ne pas animer le jeu en stop-motion traditionnel en raison d'un rendu jugé trop statique et d'une sensation de "collage Photoshop". Ils ont plutôt utilisé la photogrammétrie, un processus consistant à prendre des photos d'objets et de personnages faits à la main pour créer des modèles 3D numériques. Cela permet un éclairage et un travail de caméra dynamiques, offrant "le meilleur des deux mondes". Onat Hekimoglu, cofondateur de Slow Bros., estime d'ailleurs que la stop-motion pure n'est "pas très adaptée aux jeux", car le médium, contrairement au film, ne peut pas garantir la cohérence d'une seule image. De même, pour The Midnight Walk, MoonHood Studios a sculpté environ 700 objets en argile, les a numérisés en 3D à un niveau de détail "méticuleux", créant ainsi un monde fantastique avec une empreinte artistique unique.

Bien sûr, l'équilibre entre une animation stop-motion lente et un jeu fluide reste une considération importante pour les joueurs qui ne jurent que par la performance. Et le temps de développement est toujours considérable ; Harold Halibut a pris plus d'une décennie avant de voir le jour. Mais le jeu en vaut la chandelle. Pour Johan Oettinger de Wired Fly, l'attrait réside dans "la joie de voir les textures de près", le retour aux sensations d'enfance en jouant avec des jouets. C'est cette "magie" de contrôler quelque chose qui semble réel et tangible qui rend ces jeux si spéciaux. Le stop-motion reste une niche, mais c'est précisément sa difficulté et son étrangeté qui la rendent si attrayante et qui captivent l'attention. Et pendant que l'industrie continue d'explorer les frontières de la technologie, les jeux "faits main" nous rappellent que l'innovation peut aussi se trouver dans le retour à des techniques traditionnelles, offrant une beauté et une âme que l'hyperréalisme numérique ne peut, pour l'instant, qu'imiter.