Depuis quelques jours, le Online Safety Act est entré en vigueur au Royaume-Uni. Une nouvelle loi qui inquiète beaucoup les britanniques malgré un but plutôt honorable : protéger les enfants du contenu sensible que l’on peut trouver sur le net. Mais à cause de ce dernier, les joueurs ne peuvent plus jouer comme avant sans faire vérifier leur identité…

Le Online Safety Act fait trembler les joueurs britanniques

Si vous suivez l’actualité de près, vous savez peut-être que le Online Safety Act est enfin entré en vigueur il y a quelques jours. Cette nouvelle loi britannique a été adoptée en octobre 2023 et a pour but de responsabiliser les plateformes et autres entreprises du net vis-à-vis du contenu qu’elles peuvent partager volontairement ou non sur Internet. Pour résumer les choses simplement, le Royaume-Uni souhaite protéger les enfants du contenu sensible auquel ils peuvent faire face sur la toile, et n’hésite pas à sortir les grands moyens pour y parvenir. Ainsi, les plateformes qui diffusent du contenu illégal ou jugé nocif pour les enfants encourent une amende de 18 millions de livres sterling (environ 20 millions d’euros) ou 10% de leur chiffre d'affaires annuel, selon le montant le plus haut. Cependant, mettre en application une telle loi demande énormément de changements et pose encore davantage de questions, que ce soit au niveau de la gestion des données personnelles ou de la liberté des utilisateurs. C’est notamment pour ces raisons que le Online Safety Act a mis si longtemps à réellement entrer en vigueur, mais depuis le 25 juillet 2025, beaucoup d’entreprises ont commencé à procéder à quelques changements pour s’assurer d’être dans les clous.

Crédits : Yoti

L’un des reproches les plus communs que l’on peut formuler à l’encontre du Online Safety Act concerne son aspect jugé trop vague vis-à-vis du contenu ciblé. En effet, s’il est assez évident que la pédopornographie fait partie des choses qui seront vivement pourchassées, le contenu pornographique standard n’est quant à lui illégal que pour les mineurs. De plus, difficile de savoir ce qui tombera dans la case “nocif pour les enfants”, et beaucoup s’inquiètent sur la façon dont une telle loi pourrait servir de porte d’entrée pour de la censure anti-LGBT par exemple.

Autrement dit, pour respecter le Online Safety Act, deux solutions émergent. La première est d’analyser absolument tout ce qui peut être envoyé ou reçu à partir des plateformes en ligne (y compris dans les messages privés), ce qui pose de grosses questions éthiques vis-à-vis de la protection des données privées, sans parler de savoir ce qui pourrait être jugé nocif ou non. La deuxième, peut-être plus simple mais non sans conséquences éthiques non plus, est de s’assurer que les utilisateurs de la plateforme sont des adultes. C’est la solution qui a été choisie par la plupart des entreprises concernées pour le moment, et cela implique notamment de vérifier l’âge des utilisateurs d’une façon ou d’une autre. Et bien sûr, les entreprises du jeu vidéo sont également concernées.

Steam, Xbox et d’autres plateformes déjà impactées au Royaume-Uni

Puisque le Online Safety Act cherche à responsabiliser toutes les plateformes du net qui peuvent tomber dans les mains des enfants, il est évident que les plateformes dédiées aux jeux vidéo sont également impactées. Sur Steam, par exemple, il n’est un secret pour personne qu’il est très facilement possible d’acheter des jeux au contenu très explicite, voire pornographique, sans la moindre vérification d’âge. Depuis quelques jours cependant, beaucoup de ces jeux ont été purement et simplement supprimés de la boutique, voire des bibliothèques des joueurs. Une décision aussi radicale qu’inquiétante, d’autant qu’elle a été prise par Valve en raison d’un changement des politiques internes d’entreprises de paiement comme Mastercard, Visa et PayPal, le tout lié à la nouvelle loi britannique bien sûr. Pensez ce que vous voulez de ces jeux pornographiques, mais n’oubliez pas qu’ils ne sont pas interdits pour les adultes et qu’ils font vivre toute une branche du divertissement. Et encore une fois, on est également en droit de se demander ce qui sera prochainement jugé comme “nocif pour les enfants”, surtout vu dans quelle direction le vent tourne en ce moment.

Bien sûr, si ce sujet concerne majoritairement ce genre de jeux, il est loin de se limiter à ces derniers. Car en plus de surveiller le contenu public, le Online Safety Act vise également à empêcher les enfants de rencontrer du contenu nocif via les réseaux sociaux et les messageries privées. C’est la raison pour laquelle Discord, Reddit et même Xbox demandent désormais à leurs utilisateurs britanniques de vérifier qu’ils sont bien adultes. Et pour y parvenir, plusieurs choix s’offrent à eux. Ils peuvent par exemple fournir une carte d’identité ou une carte de crédit à leur nom, ou fournir une photo récente qui correspond à certains critères pour ensuite la faire analyser par une intelligence artificielle qui déterminera si la personne est majeure ou non. Si la première méthode pose encore une fois beaucoup de questions vis-à-vis de la protection des données personnelles (qui ont d’ailleurs été posées en France quand les sites pornographiques demandaient la même chose), la seconde est très facilement détournable et l’a déjà été faite quelques heures à peine après sa mise en place. Plusieurs adolescents britanniques ont en effet réussi à contourner la restriction d’âge en fournissant une capture d’écran du personnage incarné par Norman Reedus dans Death Stranding 2, merci Kojima.

Si vous ne prouvez pas votre majorité avec un visage comme ça...

Concernant Xbox en particulier, soyez rassuré, il n’est pas à proprement parler obligatoire de prouver que l’on est adulte pour pouvoir profiter de la console. D’ailleurs, cette vérification n’est pour le moment qu’optionnelle et ne deviendra obligatoire qu’à partir de l’année 2026 selon le site officiel de la firme. A partir de cette date, si les utilisateurs refusent de s’y complaire (ou s’ils sont bel et bien mineurs), ils seront cependant limités dans les fonctionnalités offertes par la machine. Ils pourront bien jouer, mais les fonctionnalités sociales comme le chat vocal, les messages textuels ou même les invitations multijoueur seront restreintes aux personnes validées en tant qu’amis. Impossible donc d’inviter des inconnus à la suite d’une partie réussie, à moins de d’abord les rajouter à sa liste d’amis. Enfin, pour ceux qui choisiront d’envoyer une carte d’identité (ou même une photo), Xbox assure que les données seront traitées par Yoti, une entreprise tierce spécialisée dans ce domaine. Le processus devrait donc être chiffré, unique, sécurisé et non intrusif, puisqu’aucune donnée ne serait stockée.

Bientôt un avenir similaire pour la PlayStation 5 et la Nintendo Switch ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes, toutes les entreprises concernées par le Online Safety Act n’ont pas encore détaillé la façon dont elles procéderont pour respecter la loi britannique. Ainsi, les habitants du Royaume-Uni peuvent encore profiter de leur PlayStation 5 ou de leur Nintendo Switch (la première ou la seconde) sans problème. Cependant, au vu de la menace de l’amende, il ne serait absolument pas étonnant de voir ces entreprises finir par prendre des décisions similaires. D’ici quelques semaines, il se pourrait donc que les britanniques n’aient d’autre choix que de fournir une preuve d’identité pour continuer de profiter de toutes les fonctionnalités de leurs consoles préférées. Reste à savoir la méthode qu’elles choisiront, et la réaction du public…