Silent Hill f : Plongée dans l'univers horrifique d'une nouvelle ère japonaise

Titre original : Aperçu Silent Hill f du 01/08/2025

À quelques semaines de sa sortie officielle le 25 septembre, Silent Hill f s’est laissé approcher dans le cadre d’une session de preview organisée au siège de Konami à Tokyo. Ce nouvel opus, ancré dans un Japon rural des années 1960, propose une réinvention audacieuse de la mythologie Silent Hill, entre horreur psychologique, ambiance folklorique et direction artistique déroutante. Nous avons plongé dans les cinq premières heures de jeu aux côtés de la mystérieuse Hinako. Premières impressions.

Tokyo, Japon - J'ai eu l’occasion d'être conviée par Konami à leur siège tokyoïte pour une immersion privilégiée dans les cinq premières heures de jeu de Silent Hill f. Une expérience exclusive qui a offert un aperçu profond d'un titre qui, bien que portant l'emblème iconique de Silent Hill, choisit assurément de tracer une voie singulière et profondément ancrée dans l'identité japonaise.

Le récit nous introduit à Hinako Shimizu, une lycéenne réservée, peinant sous le poids des attentes amicales, familiales et sociétales, et qui désormais « ne sourit presque plus ». Une protagoniste dont le jeune âge implique forcément des problématiques appropriées à son environnement. Sa lutte intime vient tisser la toile de fond d’un concept central et séduisant : « trouver la beauté dans la Terreur ». Le thème s'inscrit dans les racines de l'horreur psychologique de la série, explorant la culpabilité, le traumatisme et les souvenirs refoulés, où les créatures et les environnements reflètent souvent les tourments intérieurs des personnages. Le scénario profite par ailleurs de la plume horrifique et aguerrie de Ryukishi07, célèbre pour le roman visuel acclamé When They Cry. Le reste est confié à NeoBards Entertainment, un studio connu jusque-là pour son travail de soutien sur des remasters Capcom comme Resident Evil: Resistance ou RE: ReVerse. C’est la première fois que l’équipe prend les commandes en tant que développeur principal sur un épisode majeur d’une licence aussi emblématique.

Silent Hill f prend le plus gros virage de la saga depuis 20 ans, on y a joué

Les apparences sont trompeuses, même hors de Silent Hill

Là où le remake du deuxième épisode de Konami nous plongeait d’emblée dans une solitude assourdissante, l’introduction de plusieurs interlocuteurs humains dès les premières minutes insuffle déjà dans Silent Hill f une tonalité narrative singulière. Hinako affronte les phénomènes horrifiques qui s’emparent de sa ville aux côtés de Shu Iwai, son ami d’enfance le plus cher qu’elle surnomme tendrement « partenaire », et de Rinko Nishida, une autre amie, curieuse invétérée toujours à l’affût des rumeurs, et visiblement attirée par Shu.

Malgré cette apparente unité, l’ambiance se charge rapidement d’une tension souterraine. Une méfiance diffuse s’installe entre les personnages, pourtant présentés comme proches, instaurant une atmosphère d’ambiguïté constante. Une instabilité relationnelle qui trouve un écho frappant dans les apparitions troublantes de Sakugo, une autre camarade de Hinako, dont le statut - vivante ou non - demeure flou. Après quelques échanges empreints de familiarité, elle accuse brutalement Hinako de trahison, révélant des liens conflictuels et annonçant des thématiques de duplicité qui semblent centrales à l’intrigue.

Fait intéressant : si ces compagnons sont omniprésents dans les cinématiques, ils disparaissent majoritairement lors des phases de gameplay, allant jusqu’à précéder systématiquement le joueur. Ce décalage, un peu étrange, renforce paradoxalement un sentiment de solitude, comme si leur présence n’était qu’une illusion. En fait, on assiste pas tellement à une descente solitaire dans l’enfer personnel, mais plus à une décomposition collective. Après tout, la solitude est plus cruelle quand elle fait suite à une illusion de lien. Ces adolescents n’existent-ils que dans l’esprit de la protagoniste ? Ou est-ce Hinako elle-même qui n’est plus vraiment là ? Même hors des sentiers de Silent Hill, les apparences sont souvent trompeuses, et cet épisode semble bien décidé à jouer avec cette idée. Les relations interpersonnelles s’y révèlent ainsi comme un ressort dramatique essentiel et plutôt intéressant, autour duquel gravitent de nombreuses questions encore sans réponse.

Une identité japonaise pleinement assumée

Hormis ses personnages jeunes et abondants, Silent Hill f se distingue nettement des autres opus de la saga Konami en affirmant une identité résolument japonaise. L’intrigue prend place dans les ruelles sombres et tortueuses d’Ebisugaoka, une bourgade rurale fictive des années 1960, imprégnée de l’esthétique et de l’atmosphère du Japon d’époque. Pour garantir une authenticité saisissante, l’équipe de développement s’est rendue à Kanayama, une localité réelle, afin d’y enregistrer des ambiances sonores et collecter des références visuelles précises. Ces matériaux ont ensuite servi à recréer des décors avec une minutie remarquable. Les ruelles étroites et labyrinthiques, ainsi que l’architecture mouvante de Kanayama, ont grandement inspiré la direction artistique du jeu. Même l’interface utilisateur, volontairement rétro, évoque les jeux de l’ère PS3, contribuant ainsi à renforcer l’ambiance générale.

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En jeu, le décor séduit donc par sa cohérence, en harmonie avec les croyances et pratiques culturelles de l’époque. On y découvre notamment des autels dédiés au repos (et surtout à la sauvegarde du jeu) ou à la prière, subtilement intégrés au paysage. L’introduction s’ouvre sur de magnifiques chants traditionnels accompagnés d’instruments anciens, installant dès les premiers instants une ambiance sonore enveloppante où la musique joue un rôle central. Cette dimension sonore bénéficie du retour d’Akira Yamaoka, compositeur emblématique de la saga. Seul bémol : lors de ma session, de majeurs problèmes de latence purement sonore ont considérablement terni cette expérience auditive prometteuse.

La carte, volontairement restreinte, se parcourt majoritairement verticalement, renforçant une impression marquée d’étroitesse. Sa conception, qui dévoile progressivement culs-de-sac et nouvelles zones à la manière de Silent Hill 2, encourage une exploration minutieuse de chaque recoin. Les joueurs évoluent dans des ruelles resserrées, rappelant avec charme les quartiers résidentiels de l’époque, ponctués de câbles entrelacés, de toitures metalliques et de façades aux lignes anguleuses. Des décors qui ont néanmoins montré une évolution assez limitée durant mes premières heures ; on se contraint à raser les mêmes façades froides au fil des heures. Heureusement, sans trop en révéler, vous découvrirez bientôt qu’un monde parallèle et mystérieux s’ouvre devant Hinako, habité par un mystérieux homme masqué.

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Mécaniques de survie et système de combat

Une fois n’est pas coutume, Silent Hill f place la gestion des ressources au cœur de sa stratégie. Bien plus qu’un simple système de survie, elle agit comme un levier narratif, renforçant l’état de vulnérabilité de l’héroïne. Dissimulées sur la carte, des capsules rouges soulagent la douleur de manière immédiate, tandis que les bandages offrent une guérison plus durable. L’inventaire, limité, oblige le joueur à faire des choix cruciaux sur ce qu’il conserve ou sacrifie. A cela s’ajoute un système d’offrandes : le joueur peut déposer des objets de valeur sur des autels inspirés des sanctuaires shintoïstes. Ces rituels permettent non seulement de restaurer la vitalité et la force mentale de Hinako - cette dernière agissant comme un bouclier psychique influant directement sur sa santé physique -, mais aussi de récolter des points de foi. Cette ressource rare peut ensuite être utilisée pour améliorer certaines statistiques, comme l’endurance maximale. Si ce mécanisme enrichit clairement la profondeur tactique du jeu, il peut néanmoins sembler confus lors des premières heures et nécessite une attention particulière.

Côté combat, Hinako doit principalement composer avec un simple tuyau métallique, arme fétiche de la licence ; un choix qui souligne avec cohérence sa fragilité et son statut de survivante improvisée. Mais fatalement, cette dépendance au corps-à-corps nuit à la dynamique globale des affrontements, déjà lents et peu engageants. L’ajout d’une jauge d’endurance, censée apporter de la nuance, ne fait qu’alourdir les sensations : les esquives sont bridées, surtout dans les environnements de nature étroites, rendant certaines rencontres inutilement frustrantes. Heureusement, de nombreux combats peuvent être évités, et l’approche furtive s’impose souvent comme la stratégie la plus viable. Une capacité de concentration, activable via L2 pour ralentir le temps au prix de santé mentale, existe mais s’est révélée assez anecdotique lors de ma session. Au final, le jeu multiplie les mécaniques censées étoffer son gameplay, mais cette ambition se heurte à une exécution parfois trop pesante.

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C’est dans son bestiaire, en revanche, que Silent Hill f brille avec éclat. Les créatures offrent un design original et viscéralement dérangeant, souvent inspiré du folklore japonais. On retient notamment les Kashimashi, poupées désarticulées et violentes ; les Ayakakashi, esprits scolaires figés dans une innocence pervertie ; l’Oi-omoi, amas de poupées hina chargées de souvenirs lourds ; ou encore les Ara-abare, masses charnelles couvertes de lys rouges, incarnations de violence incontrôlée. C’est ici que le jeu trouve sa “beauté dans l’horreur”, sublimée par des plans léchés et une mise en scène soignée. Mais si le jeu convoque les bons éléments, il a souvent du mal à les articuler avec justesse pour créer des pics de tension. Les jumpscares manquent de mordant, et la peur n’est manifestement pas si présente, là où Silent Hill 2 constituait pour le joueur une épreuve de courage de chaque instant. Ici, on ressent davantage une fascination esthétique qu’un sentiment d’effroi viscéral.

Quant aux énigmes, plus ésotériques que véritablement ingénieuses, elles semblent parfois se complaire dans l’obscurité de leur logique, laissant le joueur dans un flou volontaire, ou simplement mal balisé. Il arrive qu’on avance moins par déduction que par tâtonnements, comme si le jeu cultivait un certain goût pour l’opacité au détriment de la cohérence. Certaines énigmes semblent davantage vouées à ralentir artificiellement le rythme plutôt qu’à stimuler la réflexion. Malgré cela, le jeu parvient à maintenir un équilibre appréciable entre exploration, énigmes, combats et narration, assurant un rythme relativement fluide et jamais vraiment lassant.

Nos impressions

À l’issue de ces cinq premières heures, Silent Hill f apparaît naturellement comme un chapitre à part dans la mythologie de la saga. Porté par une identité japonaise affirmée, un soin artistique indéniable et un propos intimiste, il intrigue davantage qu’il ne terrifie. Le titre semble préférer l’inconfort au choc, la mélancolie au sursaut, et sacrifie une part de lisibilité dans ses mécaniques ou de tension dans son gameplay. Ce n’est peut-être pas un Silent Hill qui glace le sang, mais plutôt un cauchemar élégant, aux contours flous, où la beauté pourrit lentement sous la surface. Reste à savoir si cette proposition audacieuse saura tenir la distance, ou si la pénibilité de son gameplay et de ses combats finira par nous faire décrocher.

L'avis de la rédaction
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