Retour aux sources pour la saga Mafia. Avec The Old Country, Hangar 13 délaisse les mondes ouverts pour renouer avec une formule plus resserrée, plus intime, et surtout plus cinématographique. Dans la peau d’Enzo Favara, un jeune Sicilien brisé par la misère, le joueur plonge au cœur d’une fresque mafieuse à l’ancienne, à la fois élégante, brutale et viscéralement humaine.
Avec Mafia : The Old Country, « les fans ne devraient pas se sentir dépaysés, car les développeurs ont veillé à revenir aux racines de ce qu’ils ont toujours apprécié ». Rien ne sonne davantage comme une déclaration d’amour que ces quelques mots scandés par Nick Baynes, président d’Hangar 13. Dès les premières apparitions du protagoniste Enzo Favara, ce prequel affirme son ambition : renouer avec la formule linéaire et cinématographique qui a forgé la légende des premiers épisodes de Mafia, sans les distractions inhérentes au monde ouvert du troisième opus qui ont pu émailler l'expérience passée. Ce 8 août, cette virée poignante dans une époque charnière pour la Cosa Nostra se livre enfin à nous, et c’est l’heure du verdict.
Absolute Cinema au cœur de la Sicile
Preuve de ses ambitions cinématographiques, Mafia: The Old Country adopte la structure d’un long-métrage chapitré, dont chaque scène se savoure comme une séquence à part entière. C’est dans ce cadre resserré que l’on découvre Enzo Favara, jeune homme brisé par la misère, contraint de descendre dans les mines de soufre, et tenté de s’imposer dans la famille Torrisi, celle-là même qui l’a recueilli lorsqu’il touchait le fond. Très tôt, le soin apporté à la reconstitution historique, plus ou moins rigoureuse, ancre le récit dans une réalité saisissante, et nous plonge dans la Sicile du début du XXe siècle, époque méconnue mais passionnante dans l’histoire du crime organisé.

Développé sous Unreal Engine 5, le jeu est un régal visuel, à condition, bien sûr, d’avoir le matériel pour en exploiter tout le potentiel. Les panoramas sont sublimes et le travail d'éclairage est de toute beauté. Les couleurs sépia et l'ambiance chaleureuse donnent l'impression de parcourir de véritables tableaux fanés. Que ce soient les marchés animés, les ruelles pavées vibrantes de vie ou les quartiers fourmillants d'activité autour du Don, chaque recoin transpire l'authenticité et le souci du détail. Aussi, des coupures de journaux à dénicher dans les recoins de la carte prennent le temps de raconter la Sicile d’époque d'une subtile manière.
Rouler dans les rues escarpées, les virages serrés et les chemins de terre difficiles est une expérience à la fois contraignante et incroyablement efficace pour l'immersion. L’introduction des chevaux ajoute une touche nouvelle et bienvenue : les balades à travers la campagne sicilienne offrent un vrai moment de respiration. Les voitures, plus rares, sont introduites plus tard via des ellipses temporelles bien dosées. Elles reprennent fidèlement les modèles d’époque, jusque dans les moindres détails, sons compris, enregistrés à partir de véritables véhicules anciens. De quoi préparer le terrain au retour très attendu des courses automobiles, fidèle à l’ADN de la série.
Système d'exploitation : Windows 10 / 11
Processeur : AMD Ryzen 7 5800X / Intel Core i7-12700K
Mémoire vive : 32 GB de mémoire
Graphiques : AMD Radeon RX 6950 XT / NVIDIA RTX 3080 Ti
DirectX : Version 12
Espace disque : 55 GB d'espace disque disponible
Resolution: 1440p
Pour profiter d’un jeu pleinement fluide, avec un nombre de FPS illimité, des graphismes époustouflants et une excellente stabilité globale, il est vivement conseillé de posséder cette configuration, qui vous garantira une expérience impeccable. Sinon, vous risquez de rencontrer de nombreux ralentissements et des temps de chargement assez longs.
Mais cette authenticité a un revers inévitable : l'absence totale de musiques sous licence, pourtant marque de fabrique des précédents volets. Là où Mafia (2002) proposait « Sing, Sing, Sing » de Benny Goodman, où Mafia II vibrait au son de Dean Martin, et où Mafia III déroulait son histoire sur les Rolling Stones ou Sam Cooke, The Old Country ne peut s'offrir ce luxe. L'époque ne s'y prête pas : la radio n'en est qu'à ses balbutiements, et les longs trajets à cheval se font souvent dans un silence presque total. Heureusement, quelques respirations musicales subsistent. La bande originale orchestrale, discrète mais soignée, et les morceaux folkloriques siciliens interprétés par de véritables groupes locaux ajoutent une belle touche d'authenticité… hélas trop timide pour compenser le manque de relief sonore. Évidemment, on ne va pas demander aux chevaux de chanter, mais on aurait aimé qu’Hangar 13 fasse preuve de plus d'inventivité pour ancrer la musique dans le gameplay pendant qu'Enzo est occupé à racketter les fermiers du coin en échange de la protection du Don, activité de base du bon mafieux qui demeure prépondérante à l'aventure. De toute manière, malgré toute sa beauté, il est difficile de ressentir l'envie d'explorer la carte en dehors des missions principales. Hormis le magasin d’armes, que l’on ne visite que ponctuellement, elle présente peu d’intérêt en matière de découvertes. La map est clairement conçue pour servir le récit, non pour offrir un véritable terrain de jeu.'''

Un gameplay à l’ancienne, brutal et viscéral
Si vous avez joué aux anciens Mafia, vous retrouverez ici le goût familier de leur gameplay d’époque, pour le meilleur comme pour le pire. The Old Country reprend cette formule éprouvée avec une touche plus tactique : ici, chaque balle compte, et l’erreur se paie cher. Le feeling des armes est résolument old school : on prend son temps pour viser, et surtout pour recharger. Fini les rafales automatiques de Mafia III ; ici, le combat, très lisible, se veut plus ancré, plus viscéral. Et ça fonctionne plutôt bien. La liste d’armes, allant du Bodeo Model 1889 au fusil à canon scié Lupara, respecte fidèlement les armes militaires italiennes ou agricoles de l’époque. On peut aussi jeter de vieilles lampes à huile pour provoquer des incendies, ou lancer des pièces pour distraire un garde et se faufiler derrière lui. L'approche est libre : on peut jouer en mode frontal ou opter pour la furtivité. Fouiller les corps longuement est nécessaire pour récupérer quelques précieuses munitions, et le combat rapproché au couteau devient vite essentiel. Le stiletto d’Enzo s’impose d’ailleurs comme une arme centrale. Plusieurs variantes sont disponibles, avec des archétypes différents : du couteau lourd pour le corps-à-corps à celui de lancer pour les éliminations silencieuses à distance.

Mais malgré la brutalité des affrontements, le level design, lui, reste d’une sobriété déconcertante. Trop attendu, il manque cruellement de surprises et finit par affaiblir la tension des derniers gunfights, souvent expédiés avec une facilité désarmante. L’IA ennemie, peu réactive, ne propose guère de défi, et aucun adversaire ne parvient à se démarquer, donnant l’impression de toujours combattre le même ennemi. Les duels au couteau, qui constituent pourtant une idée cohérente avec le contexte historique, deviennent vite répétitifs et trop simplistes dans leur exécution. Disons que le jeu a au moins le mérite d’être particulièrement accessible et facile à prendre en main.

Le cœur de la saga
Heureusement, le cœur de la saga Mafia ne réside pas tant dans son gameplay que dans sa capacité à honorer les codes narratifs des grands films de mafieux et à façonner des personnages captivants. Enzo Favara est un protagoniste attachant et nuancé. Le joueur a envie de croire en lui et en ses choix. Son passé difficile dans les mines de soufre a forgé un survivant résilient, dont l'évolution est parfaitement crédible. Malgré les décisions cruelles que l’univers impitoyable de la mafia l’oblige à prendre, ses principes humains restent profondément ancrés.


Le casting secondaire est également solide, à commencer par Don Torrisi, charismatique et intrigant, doté d’un certain charme et d’une voix singulière, et dont on sent très vite les problèmes d'ego. Le neveu du Don, malgré ses difficultés à faire ses preuves, incarne parfaitement les valeurs de la loyauté familiale. Luca, un autre homme de main, se révèle quant à lui être un allié de taille pour Enzo. Et la relation de ce dernier avec Isabella, la fille du Don, est bien écrite et offre une tension dramatique palpable tout au long du jeu. On apprécie les scènes suspendues, où le jeu prend le temps de développer la mentalité de ses personnages. Comme cette nuit où Enzo et Cesare partagent quelques verres avant de prendre la route : Cesare finit par uriner au-dessus d’un pont avant d’aller chercher une femme pour la nuit, tandis qu’Enzo préfère rester calfeutré dans la voiture. Une scène anodine, sans incidence sur l’intrigue, mais qui enrichit brillamment la perception que l’on a des personnages. Chacun bénéficie de traits bien définis, crédibles, et d'expressions faciales très vivantes grâce à la technologie MetaHuman. Quant au doublage, le jeu propose par défaut l’anglais, rehaussé d’un fort accent italien, et c’est celui que je vous recommande, puisqu'il est efficace et parfaitement synchronisé avec les animations faciales. Le sicilien est également disponible, pour une immersion totale.

Globalement, les thèmes classiques de la mafia - loyauté, trahison, argent, pouvoir - sont abordés avec efficacité, sans chercher à réinventer le genre. Le jeu ne révolutionne rien, mais il maîtrise parfaitement les codes qui ont fait le succès des films de gangsters avec des dialogues crédibles. Enfin, le choix d’une structure chapitrée renforce son aspect cinématographique, sublimé par de belles prises de vue et une mise en scène stylisée du plus bel effet. Le tout se boucle en 10 à 12 heures, pour une expérience concise et maîtrisée. Bien qu’une multitude de trophées secrets soient à débloquer, ne vous attendez pas à une rejouabilité vraiment significative. Mafia: The Old Country ne propose pas vraiment de quêtes annexes, mais offre quelques choix subtils, certes plus symboliques qu’impactants, qui donnent parfois l’illusion d’être maîtres de sa propre morale. Par exemple, au début du jeu, avant de lancer une mission, j’ai pu choisir d’aller voir en cachette la fille du Don dans les jardins, à mes risques et périls. Cela reste cependant très peu exploité, tout comme certaines fonctionnalités telles que l’appareil photo d’Isabella, utilisé à peine deux ou trois fois, la garde-robe d’Enzo accessible de manière très ponctuelle, ainsi que le garage et l’écurie, trop peu visités.
Conclusion
Points forts
- Retour à une narration linéaire maîtrisée
- Direction artistique superbe grâce à l'UE5
- Authenticité historique réussie, pour le cadre et le gameplay
- Personnages attachants, bien écrits, avec des visages vivants
- Histoire de mafieux classique mais efficace
- Mise en scène inspirée
- Doublage convaincant
- Durée bien calibrée (10-12 heures)
Points faibles
- Level design trop sobre pour une difficulté trop faible
- Duels au couteau hautement répétitifs
- Carte belle mais peu intéressante hors des missions
- Manque de relief sonore, pour une saga en partie portée par sa musique
Note de la rédaction
Mafia: The Old Country n’est ni un coup d’éclat, ni un faux pas. C’est un retour aux sources, sobre et maîtrisé, qui choisit la linéarité pour mieux raconter une histoire d’hommes, de sang et de loyauté. L'ascension d'Enzo Favara au sein de la mafia naissante pose les bases d’un récit dense, intelligemment écrit, porté par une direction artistique élégante. Mais cette ambition narrative se heurte parfois à une exécution trop sage. L’absence d’audace dans le level design et l’ambiance sonore empêche le jeu de vraiment décoller, de prendre le souffle épique qu’il mériterait. On sent l’amour du détail, la rigueur de la mise en scène, mais aussi une certaine retenue là où il aurait fallu oser davantage. Mafia: The Old Country est un bon cru, un récit mafieux classique mais soigné, qui ravira les amateurs de narration forte et de jeux à l’ancienne. Il lui manque cependant cette étincelle qui l’aurait fait entrer dans la légende.