Le Voyeur : de la controverse à l'héritage cinématographique, comment Martin Scorsese a redonné vie à un classique britannique

Titre original : Ce film a scandalisé le public et détruit son réalisateur à sa sortie, mais Scorsese en a fait un classique culte 20 ans plus tard

En 1960, ce film de Michael Powell, thriller psychologique audacieux et dérangeant, choque violemment la critique et détruit la carrière de son réalisateur. Mais, grâce à l’appui de Martin Scorsese et à une réévaluation tardive, ce film sulfureux est aujourd’hui reconnu comme un classique majeur du cinéma britannique.

Un choc brutal pour le cinéma britannique

À sa sortie, Le Voyeur déclenche un torrent de haine chez la presse britannique. Le film est qualifié de « nauséabond », « déprimant », « bestial » et « odieux ». Un critique va jusqu’à conseiller de « pelleter ce film et de le jeter dans l’égout le plus proche ». Face à cette hostilité, les producteurs retirent rapidement le film des salles, vendent son négatif et tentent d’effacer son existence, emportant avec lui la carrière de Michael Powell au Royaume-Uni. Le film subira également la censure en Italie et sera interdit en Finlande jusqu’en 1981. Cette réaction violente s’explique par le traitement frontal du voyeurisme, de la violence et la présence de la toute première scène de nudité frontale dans l’histoire du cinéma britannique.

Ce film a scandalisé le public et détruit son réalisateur à sa sortie, mais Scorsese en a fait un classique culte 20 ans plus tard

Une œuvre visionnaire réhabilitée par Martin Scorsese

Derrière ce scandale se cache pourtant une œuvre d’une grande complexité psychologique. Le film suit Mark Lewis, un cameraman torturé, façonné dès l’enfance par des expériences traumatisantes menées par son propre père. Le Voyeur explore des thèmes forts comme le sadomasochisme, l’abus d’enfants et le fétichisme scopophilique, tout en interrogeant la complicité du spectateur dans l’acte même de regarder un film. Considéré aujourd’hui comme un précurseur du film slasher, il doit sa réhabilitation à Martin Scorsese. Fasciné par le film dès ses années d’études, Scorsese organise sa ressortie aux États-Unis en 1978, lui offrant une seconde vie et un public plus large. Il n’hésitera pas à affirmer que le film lui a tout appris sur la mise en scène, soulignant la façon dont la caméra incarne une forme d’agression. Scorsese ira même jusqu’à financer le voyage de Powell à New York pour assister à cette réévaluation critique.

Aujourd’hui, Le Voyeur est un film culte, salué par la critique et figurant parmi les chefs-d’œuvre britanniques et les grands classiques de l’horreur. Avec un score de 95 % sur Rotten Tomatoes, il reste un regard glaçant et méthodique sur la psychologie d’un tueur.