Mafia: The Old Country nous plonge au cœur de la Sicile du début du XXe siècle, là où les racines de la mafia commencent à s’enfoncer dans la terre brûlante. Hangar 13 opte pour une narration linéaire, plus intime et maîtrisée. Un retour aux sources élégant, mais qui manque parfois d’audace.
L’heure est grave : la Mafia rouvre ses portes. Après des années de silence, Hangar 13 livre enfin le très attendu Mafia: The Old Country. Ce nouvel épisode remonte le temps pour explorer les racines du crime organisé, au tout début du XXe siècle. On y incarne Enzo Favara, un jeune homme brisé par la misère, élevé dans les mines de soufre, promis à une ascension fulgurante au sein d’une mafia encore balbutiante, mais déjà impitoyable.
Le pari de cet opus ? Un retour assumé à une narration linéaire, resserrée, à l’ancienne. Adieu les mondes ouverts éparpillés : ici, chaque scène, chaque dialogue compte. Une aventure taillée pour le récit, pour le rythme, pour l’intensité. Et après plusieurs heures passées entre ruelles pavées et vendettas familiales, l’heure du verdict a sonné.
BEAUTÉ VISUELLE ET IMMERSION
Premier constat : Mafia: The Old Country en met plein les yeux. La Sicile, sous Unreal Engine 5, est absolument sublime. Grain sépia, lumières chaudes, paysages vallonnés… On a vraiment l’impression d’évoluer dans une carte postale fanée. Rouler dans les rues escarpées, prendre les virages serrés ou galérer sur des chemins de terre : c’est parfois contraignant, mais toujours immersif. Les marchés, les quartiers vivants, les ruelles pavées grouillent de détails. On croise des hommes en train de fumer, des femmes aux balcons, des enfants qui jouent… Le monde n’est pas vaste, mais il est dense.

Même dans les quartiers du Don, l’activité est incessante : ça s’active, ça travaille, et ça donne une ambiance crédible de ruche mafieuse bien huilée. On trouve aussi quelques coupures de journaux racontant la Sicile d’époque, un petit plus très bienvenu. Côté animations faciales, rien à redire : les expressions sont fines, même chez Enzo, pourtant taiseux.
En revanche, malgré cette beauté, l’envie d’explorer reste limitée. En dehors du magasin d’armes, qu’on visite à peine, la carte sert avant tout à dérouler l’histoire. Ce n’est pas un bac à sable, c’est un décor de théâtre. Si on adhère à l’approche linéaire, ça fonctionne. Sinon… frustration garantie. Pour les déplacements, époque oblige : les chevaux sont d’abord omniprésents. Et franchement, ils sont bien fichus. On sent leur poids, leur puissance. Plus tard, on voit les premières voitures arriver, pas des bolides, mais agréables à conduire. Et bonne nouvelle : les courses emblématiques de la série sont toujours là, avec un vrai souci de réalisme sonore côté véhicules.
AMBIANCE SONORE ET MUSICALE
C’est un point crucial pour les fans : la musique. Historiquement, la licence a toujours brillé grâce à ses musiques sous licence, Louis Armstrong, The Mills Brothers, etc. Ici, début XXe siècle oblige, il n’y a pas de radio. Et malheureusement, Hangar 13 n’a pas su combler ce vide. On comprend qu’on ne va pas faire chanter les chevaux, mais le silence ambiant manque de relief. On aurait aimé plus de folklore : des airs de mandoline, d’accordéon, des chants de rue, de l’opéra… Tout ce qui faisait vibrer cette époque. Il y a bien quelques compositions orchestrales, jolies mais trop discrètes.
Malgré tout, l’ambiance sonore fonctionne dans les moments de tension ou d’émotion. Côté doublage, le jeu propose par défaut l’anglais avec un accent italien très prononcé, c’est celui que je vous recommande. La synchro labiale est parfaite, et certaines voix, notamment celle du Don Torrisi, sont particulièrement réussies.

UN GAMEPLAY AUTHENTIQUE
Côté gameplay, The Old Country fait dans l’authenticité. Le ressenti des armes est old-school : rechargements longs, arsenal limité, mais cohérent avec l’époque. Fini les fusils automatiques : ici, ça tire peu, mais ça compte. Le tout est fidèle à l’arsenal militaire italien du début de siècle, entre revolvers Bodeo et fusils de chasse rustiques. Le résultat ? Des combats plus viscéraux, plus stratégiques.
Les gunfights sont lisibles et bien rythmés. On alterne facilement entre tir et attaque au couteau. On peut aussi lancer des pièces pour distraire les gardes, ou allumer des incendies avec des lampes à huile, de quoi varier les approches entre infiltration et frontal. Les duels au couteau sont sanglants, mais deviennent vite répétitifs. Une idée cohérente avec le contexte, mais trop peu exploitée sur la durée. Le véritable souci vient du level design : ultra classique, trop prévisible. Les derniers niveaux manquent de tension, d’enjeux, et la difficulté générale est très basse. Aucun véritable défi à l’horizon. Heureusement, certaines séquences sont vraiment bien rythmées, comme cette scène dans un opéra inspiré du Teatro Massimo de Palerme, un clin d’œil au Parrain 3. C’est du pur cinéma interactif. Petit plus : les breloques religieuses, à collecter, améliorent vos stats sans menu compliqué. Pas d’arbre de compétence, juste une idée simple, élégante, parfaitement thématique.

ÉCRITURE ET PERSONNAGES : LE CŒUR DU JEU
Dans Mafia: The Old Country, on suit l’ascension d’Enzo Favara. Parti de rien, élevé dans des conditions quasi esclavagistes, il cherche une place, une famille, une cause à embrasser. C’est un personnage profondément humain, touchant, crédible. Un des protagonistes les plus réussis de la saga. Le Don, Bernardo Torrisi, est lui aussi une très belle réussite. Jeune, séduisant, charismatique… mais on devine rapidement ses failles : un ego démesuré, une avarice inquiétante.
La relation entre Enzo et Isabella, la fille du Don, est bien écrite. Leur histoire d’amour apporte une tension dramatique constante. Mention aussi au neveu du Don, Cesare, dont la loyauté maladroite apporte de vrais moments d’humanité. Et Luca, allié précieux d’Enzo, complète un casting secondaire très convaincant. Le jeu prend le temps de poser ses personnages. Une scène me revient : Enzo et Cesare, bourrés, l’un pisse depuis un pont, l’autre s’endort dans la voiture. Rien d’utile pour l’intrigue, mais ça enrichit leur personnalité. Et ça fonctionne. L’histoire ne révolutionne rien, mais elle coche toutes les cases du genre : loyauté, trahison, ascension, pouvoir. Le tout servi par une mise en scène léchée, des plans soignés, et une structure chapitrée à l’ancienne. Comptez 10 à 12 heures de jeu. Efficace, sans fioritures.
CONCLUSION
Mafia: The Old Country n’est ni un chef-d'œuvre, ni un raté. C’est un retour aux sources sobre, élégant, sincère. Il privilégie la narration à l’action, le rythme au spectaculaire. L’ascension d’Enzo Favara ne marquera peut-être pas autant que celle de Tommy Angelo ou Vito Scaletta, mais elle s’inscrit dans la continuité d’une saga qui sait toujours raconter des histoires de sang, de famille, et de pouvoir. Malgré cela, la formule manque parfois de mordant. Trop sage, trop facile, trop prévisible. Une ambition narrative indéniable, mais qui aurait mérité plus d’audace. Mafia: The Old Country reste un bon cru. Un récit classique, mais soigné. Un jeu pour ceux qui aiment les drames mafieux bien joués, bien écrits, bien mis en scène. Note finale : 15/20.