Dans l’univers foisonnant de la science-fiction cinématographique, certaines œuvres se distinguent non seulement par leur impact, mais aussi par une genèse des plus singulières. Imaginez un chef-d’œuvre de Steven Spielberg, salué pour sa profondeur et sa vision futuriste, qui n’aurait peut-être jamais vu le jour tel que nous le connaissons, n’eût été l’échec inattendu d’un projet de suite impliquant une autre figure emblématique d’Hollywood.
Une origine secrète du film de science-fiction
C'est l'histoire fascinante de Minority Report, le thriller dystopique sorti en 2002, dont la création est inextricablement liée à un film culte avec Arnold Schwarzenegger. L'idée d'adapter la nouvelle The Minority Report de Philip K. Dick ne fut pas une initiative directe de Steven Spielberg. En réalité, dès 1992, les droits de cette histoire avaient été acquis par le producteur et scénariste Gary Goldman, qui ambitionnait d'en faire une suite au succès de 1990, Total Recall, avec Arnold Schwarzenegger reprenant son rôle principal. Paul Verhoeven, le réalisateur de Total Recall, a d'ailleurs confirmé ces plans (dans sa biographie écrite par Rob Van Sheers, Une vie de cinéaste), révélant que le studio Carolco Pictures, qui détenait les droits, envisageait un second volet.
Verhoeven, évoquant l'orientation philosophique de cette suite, a déclaré : "Total Recall 2 se demanderait : votre vie future est-elle déjà définie, et, si vous connaissez cet avenir, pouvez-vous ou non le changer ? – la prédestination".
Cependant, les difficultés financières de Carolco Pictures ont culminé avec sa faillite en 1995 (Tales from Development Hell : the greatest movies never made ?, par David Hughes), sonnant le glas de ce qui aurait pu être un "univers connecté Philip K. Dick". Les droits ont été rachetés par Miramax Films en 1997, et le scénario a été retravaillé pour devenir un projet autonome, libéré des liens avec Total Recall. C'est alors que le romancier Jon Cohen fut chargé de l'adaptation et son script fut porté à l'attention de Steven Spielberg et Tom Cruise. Les deux géants du cinéma, amis depuis 1983, cherchaient depuis une décennie une opportunité de collaboration concrète après une première occasion manquée sur Rain Man.
Un classique de la SF
Le long-métrage, labellisé film cyberpunk et d'action, plonge le spectateur dans le Washington D.C. de 2054, où une unité de police d'élite, Précrime, opère en appréhendant les criminels avant même qu'ils ne commettent leurs actes grâce aux prémonitions des "précogs". John Anderton, le chef de cette unité, incarné par Tom Cruise, se retrouve au cœur d'une intrigue déchirante lorsqu'il est lui-même accusé d'un futur meurtre qu'il n'a pas encore commis, transformant le récit.
La critique a globalement réservé un accueil très positif au film. Sur Rotten Tomatoes, il affiche un taux d'approbation de 89% basé sur 260 critiques, avec un consensus le décrivant comme "stimulant et viscéral" et saluant la capacité de Steven Spielberg à "combiner avec succès des idées de haut niveau et de l'action à plein régime". De nombreux critiques ont loué la manière dont le film aborde son thème central du libre arbitre face au déterminisme.
Le parcours de Minority Report depuis un concept avorté de suite de Total Recall jusqu'à son statut de classique de la science-fiction est un témoignage fascinant des rebondissements de la production hollywoodienne. Sans la faillite d'un studio et la rencontre opportune entre deux titans du cinéma, Steven Spielberg et Tom Cruise, le paysage du film de genre aurait pu être bien différent.