Quelques mois avant de s’éteindre, la légende hollywoodienne John Wayne avait jeté son dévolu sur un jeune comédien de 27 ans. Pour le « Duke », il ne faisait aucun doute : ce visage allait marquer le futur du septième art.
Le 9 avril 1979, Hollywood est en effervescence : la 51ᵉ cérémonie des Oscars s’apprête à distinguer les meilleurs films de l’année 1978. Parmi les favoris, on retrouve Le Ciel peut attendre, Voyage au bout de l’enfer, Retour, Midnight Express, Même heure, l’année prochaine, ou encore Une femme libre. Pourtant, ce soir-là, l’attention se porte moins sur les récompenses que sur un invité d’honneur.
John Wayne, affaibli par un cancer de l’estomac après avoir déjà triomphé d’un cancer du poumon quelques années plus tôt, fait une apparition très attendue. Âgé de 72 ans, le « Duke » monte sur scène pour remettre l’Oscar du Meilleur film. Mince et fragile, il est accueilli par une ovation debout. Sa voix résonne pour proclamer le grand vainqueur, Voyage au bout de l’enfer, œuvre emblématique d’une génération de cinéastes qu’il n’appréciait guère avant de quitter la scène et de s’éclipser dans les coulisses.
John Wayne (à droite) lors de la cérémonie des Oscars 1979

« C’est la relève » : le dernier adoubement du Duke
Au cours de cette soirée, une rencontre inattendue va pourtant retenir l’attention de l’acteur. Dans les coulisses, John Wayne fait la connaissance de Christopher Reeve. Encore anonyme quelques mois auparavant, le jeune acteur est désormais une vedette mondiale depuis qu’il a revêtu la cape de Superman. Le film, cité à trois reprises aux Oscars, repartira avec une distinction spéciale pour ses effets visuels.

D’après Ability Magazine, Wayne, après avoir échangé quelques mots avec Reeve, se tourne vers son vieil ami Cary Grant, 75 ans. À voix basse, il lâche : « Ce garçon, c’est l’avenir. C’est lui qui prend la suite. » Deux mois plus tard, le 11 juin 1979, l’icône du western disparaît. Dans Reeve, il avait reconnu un héritier : l’incarnation d’un cinéma héroïque et lumineux, celui qui avait construit sa propre légende, à rebours des anti-héros torturés du Nouvel Hollywood. Superman représentait une Amérique idéalisée, comme, des décennies plus tôt, John Wayne avait incarné une Amérique intrépide et triomphante. Ce soir-là, tel un souverain au crépuscule, il avait passé le flambeau.

Christopher Reeve, Superman jusqu’au bout
Reeve incarnera Superman durant 4 films, jusqu’en 1987. Mais sa vie prend un tournant tragique en 1995, lorsqu’un accident d’équitation le laisse tétraplégique et met définitivement fin à sa carrière. Avec son épouse, il crée la fondation Christopher and Dana Reeve Paralysis Resource Center afin de développer la recherche médicale sur la réparation de la moelle épinière. Jusqu’à sa mort en 2004, il reste une figure de courage et d’engagement, continuant à se battre pour faire avancer la science et améliorer la vie des patients. D’une certaine façon, il fut un peu Superman dans la vraie vie : intrépide, résilient et déterminé, même face à l’adversité et à la maladie.