Fruit d’une gestation longue et mouvementée, Lost Soul Aside s’est enfin révélé au grand jour et aux yeux du grand public. Disponible depuis quelques jours déjà, le titre du studio chinois UltiZero Games promet un jeu d’action ayant bien envie de titiller la concurrence, porté par la vision d’un créateur empli de passion qui s’y est investi corps et âme avec le soutien de Sony et PlayStation à travers le programme China Hero Project. Spectaculaire et mélangeant les influences, Lost Soul Aside doit se tailler une place dans un genre des plus compétitifs, mais y parvient-il après tout ce temps ? C’est la grande question derrière ce test.
Lorsqu’on travaille dans le monde du jeu vidéo, encore plus à notre époque, chaque développement peut occuper une grande portion au sein d’une carrière. Les titres que l’on crée, tout au long d'un parcours professionnel, peuvent parfois se compter sur les dix doigts de la main, dans certains cas. Parmi les jeux vidéo ayant connu une longue gestation, Lost Soul Aside en est l’un des grands représentants. D’abord esquissé sous la forme d’un prototype Unreal Engine qui est devenu viral, Lost Soul Aside est le fruit d’une épopée, pleine de hauts, de bas, d’idées abandonnées et de mains tendues, qui aura duré plus de dix ans et qui arrive enfin à une étape cruciale : la sortie et l’accueil critique.

Comme on le disait, après un processus créatif qui a paru interminable pour certains joueurs (et pas que), tout comme l’annonce de la fenêtre de sortie, et un report de quelques mois, le titre de Yang Bing, à la tête du studio UltiZero Games, renforcé par la présence d’une grosse trentaine d’employés, est enfin disponible sur PC (Steam) et sur PlayStation 5. Évidemment, lors de ses premiers pas dans l’actualité, Lost Soul Aside avait retenu l’attention, notamment parce que ce titre fleurait bon ces récits de success story où un artiste fait tomber toutes les barrières pour créer le jeu vidéo de ses rêves. Qui plus est, ses dernières années nous ont prouvé qu’une petite équipe et des ambitions pouvaient, à la fois, soulever des montagnes et aller titiller les cadors du jeu vidéo sur leur propre terrain. Alors, est-ce que la petite idée de Yang Bing a suffisamment germé pour devenir l’une des références du jeu d’action ? Il est temps de répondre à cette question, mais ça nous fait mal d’arriver à une telle conclusion…
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Inspiré par Final Fantasy Versus XIII, Lost Soul Aside a voulu devenir une référence du jeu d’action, mais…
À partir du moment où l’on s’intéresse aux jeux de rôle et d’action, Lost Soul Aside ne peut décemment pas dissimuler son inspiration de Final Fantasy Versus XIII. Encore moins lorsque l’on pose nos yeux sur son héros dont la ressemblance avec Noctis (Final Fantasy XV, né des cendres de Versus XIII) est frappante ! Et c’est tout à fait normal, car l’idée de Yang Bing, elle part de ce jeu vidéo. Bien que les ambitions autour du jeu aient largement évolué - il était un temps question de proposer un monde ouvert -, le cœur du jeu était bel et bien là depuis la révélation du projet, en 2016, et c’était… l’action. Sur les premières images publiées par Yang Bing, on pouvait même y voir la mention de « combo » en bas à gauche de l’écran. Toutefois, ce n’est pas évident d’aller chasser sur les terres de Devil May Cry, Ninja Gaiden, Bayonetta et autres grands représentants du genre du beat’em all sans recevoir un carreau de représailles en retour…

Globalement, Lost Soul Aside fait bien les choses dans ce domaine. Les bases sont solides (attaques légères et lourdes, esquives et parades, timings des combos) et le titre du studio UltiZero Games apporte même quelques compléments intéressants pour rendre l’expérience plus rythmée et divertissante. Par exemple, les armes disposent, parfois, d’un attribut élémentaire qui peut entrer en résonance avec un autre, les mouvements s’étoffent avec le développement de l’arbre de compétences et attributs de chaque arme et on a même une petite couche de RPG par-dessus le tout avec la gestion d’accessoires sur les armes et l’équipement de breloques pour conférer des bonus à Kaser, le héros.

Toutefois, un héros a souvent besoin d’un bon partenaire et Kaser l’a trouvé en faisant la rencontre d’Arena, une entité mystique ayant l’apparence d’un dragon. Grâce à lui, Kaser peut libérer son plein potentiel et avoir recours à tout un tas de compétences, bien qu’il ne puisse qu’en équiper que trois à la fois. Dernières touches, le gameplay de Lost Soul Aside s’appuie également sur des talents entre lesquels on peut alterner (par exemple, on peut modifier l’esquive) ainsi que sur une transformation rendant Kaser plus puissant pendant une durée déterminée. Chose qu’il faut également préciser, c’est qu’il est possible d’alterner entre les quatre armes en temps réel lors des combats. Pourtant, j’ai un souci à ce sujet.

Lost Soul Aside n’est pas un jeu long - j’y ai passé aux alentours de 20h, en prenant mon temps, mais vous pouvez le terminer en moins de 12h, à peu près - et, de ce fait, on ne profite pas autant de deux dernières armes autant qu’on le voudrait, d’autant qu’il est bien plus agréable de les prendre en main lorsqu’on se rapproche de leur plein potentiel en termes de mouvements et de combos. Le problème, ici, c’est qu’elle se débloque à des points clefs du scénario, et c’est un peu dommage que le squelette ait été pensé ainsi. Quoi qu’il en soit, en cumulant toutes ces idées, on obtient quelque chose de bien calibré mais manquant tout de même d’impact. On a un peu de mal à sentir les coups lorsque l’on tape et les combats peuvent vite être un peu chaotiques par manque de lisibilité, un écueil qui pose toujours des soucis à ce genre de production.
L’univers et le scénario de Lost Soul Aside sont encore à la recherche de leur âme…
Maintenant, le plus gros problème de Lost Soul Aside, c’est que si on lui retire son système de combat, hormis quelques passages bien réalisés, le reste paraît très générique et sans saveur particulière. En fin de compte, Lost Soul Aside a bel et bien trouvé son âme avec ce gameplay, mais il lui manque clairement du corps sur plusieurs aspects, notamment en termes d’univers et de scénario. On le faisait déjà remarquer mais les influences du titre d’UltiZero Games sont palpables et, malheureusement, celui-ci a du mal à s’en extirper. Dès l’entame du jeu vidéo, on ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment de parcourir les allées des bidonvilles des bas-fonds de Midgar (pour la filiation avec Final Fantasy VII). Une impression qui s’accentue lors du prologue et qu’on l’en s’engouffre dans les décors industriels des abords de la cité impériale. Du reste, l’univers de Lost Soul Aside tente d’exister mais les différents biomes décorrélés les uns des autres ne parviennent pas à créer l’illusion d’un tout cohérent, d’autant que cette histoire de dimensions alternatives apporte une surcouche de science-fiction - déjà présente avec l’armée Kenostrix menée par Aramon - qui tient plus du scénario de série B que du récit qui nous emporte d’un bout à l’autre…

Il faut dire que l’histoire se montre assez convenue et que ce genre de périple où un héros doit remuer ciel et terre pour sauver la vie de sa sœur ne respire pas l’originalité et a déjà été abordé sous de nombreuses formes (coucou NieR : Replicant !). Qui plus est, ce qui gravite autour de cette intrigue se montre très peu convaincant. De manière générale, on apprend peu de choses sur les personnages, et ces derniers ne sont que très peu développés, en plus de manquer d’épaisseur et d’impact et d'avoir un côté légèrement cliché (Aramon n’est qu’un « méchant vraiment méchant »). Malgré ce tableau un peu assombri, il faut tout de même souligner que le duo entre Kaser et Arena fonctionne bien, et même mieux dans certaines langues que d’autres (on ne peut que vous conseiller d’opter pour le doublage chinois ou japonais et de faire l’impasse sur l’anglais, très en deçà…). En termes d’immersion donc, Lost Soul Aside a du mal à tirer son épingle du jeu, même si les équipes restreintes d’UltiZero Games ont globalement abattu un sacré travail, visuellement parlant. Certains panoramas sont vraiment contemplatifs, bien que génériques (encore une fois) et on a un petit pincement au cœur au moment de les traverser si rapidement et d’avoir si peu de liberté. On a finalement le sentiment qu’ils sont là sans être totalement exploités, la faute à des couloirs de gameplay et autres murs invisibles.

On le redit mais c’est vraiment le squelette de Lost Soul Aside qui pose problème, et on le réalise déjà très vite lorsque l’on explore le hub central du port - où l’on revient entre chaque biome et dimension alternative « bouclés » - car il n’a une utilité très limitée tant il ne sert qu’à faire la rencontre des trois mêmes vendeurs pour y récupérer équipements, recettes de craft et ressources. Lors de chaque venue, presque rien n’évolue et la seule carotte que l’on nous tend, c’est la réapparition d’une grosse poignée de ressources disséminées à droite à gauche. Si vous espériez quelques PNJ en attente d’un coup de main de votre part, vous pouvez déjà faire un trait dessus. En plus d’être légèrement déceptifs, ces retours au hub font clairement apparaître le découpage de l’aventure qui, dès les premières heures, confirme sa redondance : une destination, une biome où l’on doit trouver l’entrée dimensionnelle et un fragment d’âme à récupérer, et ça à plusieurs reprises sans qu’il n’y ait presque jamais de réelles surprises. L’une des petites mentions favorables que l’on peut attribuer sur ce point, c’est au niveau des designs de certains personnages et aux musiques qui accompagnent les combats de boss qui, sans ça, serait un peu moins mémorable pour la plupart.

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Lost Soul Aside ne sera pas le champion du programme China Hero Project...
C’est un peu triste à dire mais Lost Soul Aside est un jeu vidéo bloqué dans une autre décennie, notamment en raison de son développement à rallonge et émaillé de difficultés. D’un côté, si le titre souffle le chaud et le froid, respectivement son gameplay et l’enrobage immersif promis par l’univers et la narration, il ne redresse malheureusement pas la barre à l’aide de son exploration et de son contenu. Si l’on dit que la création d’UltiZero Games semble sortir d’un autre temps, c’est parce qu’il s’appuie sur des mécaniques éculées, à l’image de ces « épreuves » où l’on doit collecter un nombre de sphères dans un temps limité ou récupérer celles-ci, toujours dans un délai donné, en respectant un ordre précis. En guise d’exploration, les seules « motivations » résident dans la perspective de gagner de l’expérience pour obtenir des points de compétences, de mettre la main sur des pages de document et des breloques pour augmenter le potentiel de Kaser et, enfin, pour récolter des ressources pour le système de craft de consommables.

D’ailleurs, le titre étant relativement facile, on passe clairement à côté de cette mécanique de fabrication, ce qui prouve, au passage, qu’elle n’est pas suffisamment mise en avant (le jeu ne nous indique jamais comment tirer parti de ce système et où récupérer les recettes de craft). À force de collecter les consommables, on en stocke à ne plus savoir quoi en faire et, surtout, on éprouve rarement le besoin de s’improviser alchimiste pendant quelques minutes. Du moins, lors de notre première partie. Résultat des courses, on arpente des décors qui contiennent parfois plus de vide que de substance, et ça ne vaut pas seulement pour ce qui touche aux « contenus additionnels », dont le représentant le plus intéressant reste néanmoins les défis de la dimension dispersée qui mettent notre maîtrise du gameplay à l’épreuve. Ce qui m’a posé problème, c’est la faible répartition des groupes d’ennemis à travers l’ensemble des biomes, ainsi que le manque de variété du bestiaire.

Mine de rien, avec un peu plus de densité, le rythme de l’aventure aurait été plus soutenu, d’autant que le nombre d’endroits où l’on peut sauvegarder sa progression est particulièrement abondant, bien que la répartition soit quelque peu bizarre à certains moments. La plupart du temps, on croise quelques groupes et c’est tout, à tel point qu’on a l’impression qu’ils sont simplement là pour temporiser entre deux combats de boss plutôt que pour nous mettre à l’épreuve. Heureusement, les combats de boss, même s’ils n’ont pas tous droit au même soin, sont un peu plus divertissants. Toutefois, la structure de ces affrontements n’est pas toujours très originale et on reproduit souvent le même schéma pour en venir à bout, soit attendre le signal lumineux bleu pour caler une parade parfaite et contre-attaquer. Maintenant, reste à savoir si vous pensez y trouver votre compte dans tout ça mais, en l’état, Lost Soul Aside est encore largement tenu à distance par la concurrence et on sent que les grandes ambitions, revues à la baisse voire mises de côté, ont causé plus de torts au titre que ce qu’on aurait espéré.

Conclusion
Points forts
- Un gameplay classique mais efficace et nerveux
- Une belle montée en puissance de Kaser et Arena
- Une bande-son qui met bien en avant certains combats de boss
- Une série de défis annexes pour ceux qui veulent du challenge
Points faibles
- Un scénario peu intéressant et original
- Un univers un peu trop générique
- Des personnages qui manquent d’épaisseur ou caricaturaux
- De (beaux) environnements qui renvoient une sensation de vide
- Une structure un peu trop répétitive
- Des mécaniques sous exploitées (par exemple, le craft)
- Des tâches annexes peu engageantes et inspirées
- Un hub central sans réelle utilité
- Un doublage anglais en deçà des autres langues
Note de la rédaction
Peu importe le résultat, Yang Bing et les équipes du studio UltiZero Games peuvent être fiers du travail accompli tant la conception de Lost Soul Aside fut éreintante. Malheureusement, pour s’imposer dans le registre du jeu d’action, le résultat est insuffisant. Certes, le titre s’appuie sur un gameplay calibré et nerveux et c’est là où l’âme du projet brille le plus. Hormis certains aspects artistiques (décors, designs, musiques), Lost Soul Aside peine à être accrocheur : le scénario est trop plat, l’univers est générique, les personnages sont oubliables, la structure est redondante, les mécaniques éculées ou sous-exploitées. Ce n’est pas non plus une catastrophe mais la copie finale est tout juste correcte, à notre plus grand regret.