Star Wars est une licence mythique, un univers incontournable dans le monde de la culture populaire. Pourtant, les derniers films proposés par Disney n’ont pas séduit tous les fans. Et si je vous disais qu’il existe un jeu excellent, actuellement disponible sur Steam, mobile et Switch, et bien meilleur en tous points que ces films alors qu’il a plus de 20 ans ?
Être fan de jeux vidéo et fan de Star Wars, c'est pour le meilleur et pour le pire. Depuis plus de 40 ans, la licence de George Lucas a vu naître un nombre incalculable de titres. Certains d’entre eux étaient médiocres, d’autres absolument géniaux, et un jeu parmi tous m’a particulièrement marqué. Il s'agit de Star Wars : Knights of the Old Republic, je viens enfin de le finir et il comprend mieux la Guerre des Étoiles que la majorité des contenus Disney parus depuis 2015, alors qu’il a plus de 20 ans.
Un bon jeu et un bon Star Wars
Mon histoire personnelle avec Knights of the Old Republic (KOTOR) n’est pas simple : j’ai commencé le jeu plusieurs fois durant les six dernières années, progressant un peu plus loin à chaque nouvelle partie, sans jamais dépasser la moitié. Peut-être n’était-ce pas le bon moment, peut-être que le gameplay RPG n'était pas encore à mon goût. Toujours est-il que j’ai enfin trouvé la motivation de recommencer KOTOR pour le finir cette fois-ci, à la fin du mois de juin. Et je peux maintenant affirmer avec certitude qu’il est simplement excellent !
Comme tous les films Star Wars, KOTOR commence avec un bloc de texte

Cette expérience personnelle rejoint un consensus largement accepté : Knights of the Old Republic est tout simplement un jeu mythique. Considéré comme le meilleur RPG Star Wars de tous les temps, on dit souvent de lui qu’il a la narration la pluie fluide et “sincère” de tous les titres de la licence. Cela se comprend très facilement : l’histoire est prenante, les personnages sont convaincants et même attachants pour nombre d’entre eux. Les graphismes sont évidemment vieux pour nos yeux d’aujourd’hui (c'est sorti en 2003 sur Xbox, et un peu plus tard sur PC) mais restent tout à fait acceptables. Le gameplay typique d’un RPG en tour par tour pourra décourager les nouveaux venus, j’en ai fait l’expérience moi-même. Mais à mesure que le jeu se dévoile, le joueur accède à de nouvelles statistiques et de nouveaux pouvoirs qui enrichissent considérablement le gameplay.
Le personnage et la façon de jouer sont complètement personnalisables : débarquez blaster au poing dans une salle remplie de soldats pour profiter du combat en tour par tour, ou bien piratez un ordinateur dans une salle annexe pour relâcher du gaz et asphyxier les soldats ; il ne tient qu’à vous de choisir votre approche. La façon dont le joueur aborde KOTOR rend l’expérience d’autant plus personnelle ; une réussite que peu de jeux parviennent à égaler ces temps-ci. Les admirateurs de Bioware ne seront pas surpris puisque le développeur était déjà considéré comme le maître du RPG à l’époque, en publiant des titres comme Baldur’s Gate, Dragon Age et évidemment Mass Effect. Ce Star Wars était alors une médaille de plus à leur cou, et quelle médaille !
Deux de vos compagnons peuvent vous accompagner à la surface des planètes

Knights of the Old Republic est un aussi bon jeu qu’il est un excellent Star Wars. Pourtant, le récit, en son cœur, n’a rien d'exceptionnel. 4 000 ans avant la trilogie originale, le joueur doit sauver la République d’alors des assauts incessants de l’Empire Sith. Pour ce faire, il visitera huit planètes et rencontrera des dizaines de personnages secondaires qui offriront des détails bienvenus sur les environs, sur la guerre qui ravage la galaxie ou bien sur eux-mêmes. Si l’histoire semble assez classique vu de loin, elle excelle lorsqu’on l’examine de plus près. KOTOR intègre en effet tous les éléments qui font de Star Wars la licence qu’on aime : les sabres lasers, les planètes atypiques, les extraterrestres et les coutumes un peu bizarres, mais va aussi bien plus loin.
Chaque personnage a son histoire, même si certains sont moins développés

Les choix du joueur changent réellement son expérience du jeu, le rapprochant du côté obscur ou bien du côté lumineux, ce qui finit toujours par avoir une importance sur le gameplay (certains compagnons ne seront plus accessibles si vos actions mènent à leur trépas) ou bien sur le récit puisque KOTOR propose différentes fins. Les différents personnages qui composent notre équipe ont tous une histoire personnelle intéressante qui les rend attachants et avec lesquels on peut s’identifier sans qu’ils ne soient automatiquement des parangons de vertu.
La Jedi Bastila en est sûrement le meilleur exemple. Présente dès le début du jeu, elle occupe une place centrale dans le récit. Chargée par le Conseil Jedi de vous guider et d’achever votre formation, elle incarne a priori la rigueur et les principes de l’ordre… du moins en apparence. Car plus le temps passe, plus ses failles se dévoilent : Bastila est loin d’être une Jedi parfaite. Avec un poids trop lourd pour ses épaules, seule et liée au joueur par une connexion puissante, son serment au côté lumineux pourrait bien ne pas tenir. C’est du moins la Bastila que j’ai rencontré, car le génie de KOTOR fait que sa personnalité est façonnée selon vos choix. Ces personnages et les extraterrestres qui forment le paysage des différentes planètes nous en apprennent tous un peu sur les conséquences de la guerre et sur les années qui précèdent le jeu et le conflit meurtrier.
KOTOR vous laisse libre de vos émotions vis-à-vis du conseil Jedi

Tout mène à une révélation centrale qui surprend encore aujourd’hui si vous avez réussi à échapper au spoil durant ces 20 années. Ce ne fut malheureusement pas mon cas, spoilé par hasard dans les commentaires d’une vidéo YouTube (sans vraiment de rapport avec KOTOR d’ailleurs). Ma désillusion a toutefois été de courte durée car ce retournement de situation ne se contente pas de surprendre, il ouvre aussi la voie à une réflexion plus profonde sur l’identité et la responsabilité individuelle. Ces thématiques, explorées de manière plus ou moins directe selon vos choix et vos interlocuteurs, s’imposent vraiment comme des piliers de la narration. Ce ne sont pas des lectures forcées que le joueur projette a posteriori pour donner plus de profondeur au scénario comme cela peut arriver dans d’autres jeux (ou films d’ailleurs). Cette profondeur dans le scénario, les personnages et les thèmes abordés a rarement été égalée dans les jeux récents Star Wars, qui malgré une qualité indéniable pour la majorité d’entre eux, donnent rarement au joueur une impression de liberté et le sentiment de découverte.
Mieux que la Postlogie
L’une des raisons pour lesquelles Knights of the Old Republic est tant aimé, c’est que son histoire fait souffler un vent de renouveau sur l’univers Star Wars. Finis les Skywalkers, l’Empire, Jabba et les trois mêmes planètes qui reviennent en boucle. C’est d’ailleurs précisément pour ça que les productions de Disney sont si mal-aimées depuis 2015. Le principal reproche que les fans ont fait à l’Épisode 7 et à l’Épisode 9 était le manque de risque. Ces films ont eu trop peur de s’écarter de la formule originale de George Lucas et ont donc l’apparence d’un reboot à moitié assumé : même cadre, mêmes personnages, même astre destructeur de planètes…
L’Épisode 8, quant à lui, a le mérite de s’écarter de cette formule mais essaie sûrement trop de montrer qu’il ne tombe pas dans les mêmes écueils que l’Épisode 7, et reste paradoxalement encore trop attaché à la trilogie originale, alors même qu’il dit aux spectateurs qu’il faut abandonner le passé. Contrairement au film réalisé par Rian Johnson, KOTOR délaisse complètement le cadre de la trilogie originale mais ne renie jamais ses origines. Les références aux films, omniprésentes dans les films de Rey et qui ne procuraient même plus de plaisir au spectateur, sont bien plus appréciées dans le jeu car elles restent ce qu’elles devraient être : des clins d’oeil anecdotiques que l’on peut rater si l’on ne fait pas attention. Le lien le plus évident entre les films et Knights of the Old Republic est sans aucun doute la présence de Tatooine, des Jawas et des hommes des sables, mais le jeu nous emmène à un tout autre endroit que Mos Eisley, la cantina des films, de sorte que l’on puisse conserver ce sentiment de découverte.
Tatooine revient dans KOTOR, mais loin de Mos Eisley

Knights of the Old Republic et sa suite KOTOR 2 : The Sith Lords le prouvent : il est possible de faire un jeu, ou même un média Star Wars en général, qui s’écarte des films. C’est même bien mieux puisque se libérer de ces carcans libère la créativité des scénaristes. On le comprend, la période couverte par les films (et les séries depuis peu) est déjà saturée de récits, peuplant ces quelques 40 années d’une multitude d'événements et de personnages qui ne peuvent pas tant dévier de ce qui a été établi dans le canon de l’univers. C’est pourquoi les scénaristes de Knights of the old Republic avaient rejeté les premières propositions de LucasArts, qui souhaitait initialement que Bioware réalise un jeu se déroulant durant l'Épisode 2. C’est ce qu’a expliqué Haden Blackman, l’un des développeurs du jeu, au journaliste Alex Kane, auteur d’un livre sur le développement de KOTOR. Dans un extrait, il s’exprime sur le choix du cadre :
“Quand tu es obligé d’utiliser Dark Vador et Luke Skywalker et tous ces personnages que tout le monde connaît, il y a des choses que tu ne peux simplement pas faire… Ces personnages ont déjà eu leurs arcs, donc il aurait été très difficile de faire quelque chose de substantiel avec ces personnages, car nous ne pouvions pas raconter une histoire qui se passait après le Retour du Jedi. Si nous devions raconter notre histoire durant les films, les limites auraient été établies dès le tout début. (...) Trop de morceaux (de l’histoire) auraient été prédéterminés. Ca aurait été comme faire du bowling avec les barrières pour éviter de tomber dans la rigole : impossible de s’éloigner trop loin.” - Haden Blackman