Malgré des critiques élogieuses et un potentiel dingue, ce GTA-like n’a jamais eu de suite. Une véritable injustice, si vous voulez mon avis…
En 2012, un an avant la sortie de Grand Theft Auto V, je découvrais, un peu par hasard, un jeu qui allait me marquer bien plus que je ne l’imaginais : Sleeping Dogs. Cette année-là, les gros titres s’appelaient Far Cry 3, Borderlands 2, Dishonored ou Mass Effect 3. Mais moi, c’est ce GTA-like hongkongais qui m’a accroché, au point d’encore l’avoir en tête 13 ans plus tard. Et aujourd’hui, je n’arrive toujours pas à comprendre : comment un jeu autant apprécié (93% d'avis positifs sur Steam) n’a-t-il jamais eu de suite ? Pour moi, c’est un véritable gâchis.

Annulé, ressuscité… et enfin libéré
Sleeping Dogs est en fait un miraculé. Son histoire commence en 2007 avec Black Lotus, un projet de Treyarch, qui deviendra ensuite True Crime: Hong Kong, une suite de True Crime : New York City. Mais en 2011, coup de massue : Activision annule le jeu, alors qu’il était quasiment terminé. Selon l’éditeur, il n’était pas assez “compétitif face à la concurrence”. Honnêtement, ça me dépasse encore aujourd’hui quand je vois la qualité du résultat final, sachant que le titre est à ce moment “jouable du début à la fin et pratiquement complet en termes de contenu”, selon son producteur exécutif. Heureusement, Square Enix reprend le projet in extremis. Comme Activision gardait la licence True Crime, le jeu a changé de nom pour devenir Sleeping Dogs. Et le 14 août 2012, je mettais enfin les pieds dans les rues de Hong Kong.

Plus Batman que GTA
Dès les premières heures, j’ai compris que je n’étais pas dans un simple clone de GTA. Ce qui m’a immédiatement séduit, c’est le système de combat. Là où GTA m’a souvent frustré avec ses fusillades molles, Sleeping Dogs m’a offert des bastons au corps-à-corps incroyablement jouissives. Inspirés de Batman Arkham et des films de kung-fu, les affrontements proposent des contres précis, des combos fluides et surtout ces fameux finishers brutaux avec l’environnement. Je me rappelle encore de la première fois où j’ai poussé un adversaire contre une grille électrique… ou écrasé un type avec un rideau de fer. C’était gore, oui, mais tellement satisfaisant. Je sentais vraiment l’impact des coups (notamment grâce à un sound design excellent, qui permet d’entendre les os qui se brisent sous chaque coup), et ça, je ne l’ai jamais retrouvé dans un GTA.


Le tout vient s’étoffer au fur et à mesure que le joueur progresse et débloque des combos via un skilltree assez classique, mais qui fait le job. Ce qui rend le système de progression intéressant, c'est la manière dont notre protagoniste gagne des points de compétences. Chaque mission possède 2 barres d’XP : une barre “flic”, qui est à 100% au début de la mission et se vide a chaque fois que Wei provoque des dégâts (abîmer le mobilier urbain, blesser des innocents…) et une barre de “voyou”, qui elle se remplit au cours de la mission, notamment grâce aux combos et finishers en combats. Ce système permet d'illustrer le conflit intérieur que traverse Wei Shen durant l’aventure.

Entre flic et voyou, mon cœur balance
Wei Shen, le héros du jeu, a grandi à Hong Kong dans un milieu proche de la triade des Sun On Yee, mais a émigré aux États-Unis avec sa famille pour fuir cet environnement, qui a couté la vie à sa sœur. Il devient officier de police à San Francisco et est choisi par son supérieur pour collaborer avec la police de Hong Kong dans une opération d’infiltration des gangs visant à faire tomber les chefs des Sun On Yee. Durant l'aventure, Wei gravit donc les échelons, partagé entre son devoir de policier et son désir de vengeance personnelle.
Ce n’est donc pas que par son gameplay que Sleeping Dogs m’a marqué, mais aussi grâce à son scénario. Inspiré des films de John Woo et des guerres de triades bien réelles, le titre montre les luttes de pouvoir au sein des Sun On Yee. Les deux factions triades du jeu, les Sun On Yee et les 18k, sont reprises des vrais gangs des Sun Yee On et des 14k. La trame principale, dans laquelle trois sous-chefs (les “batons rouges”) de Sun On Yee s'affrontent pour le contrôle du gang après le meurtre brutal du précédent chef, est basée sur des faits réels survenus quelques années avant la sortie du soft. Cette histoire s'est également conclue par une opération policière secrète qui a abouti à l'arrestation de 222 membres du gang. Alors oui, l’intrigue pouvait parfois être prévisible, mais elle restait humaine, incarnée, crédible. Contrairement à GTA, qui pousse souvent la satire jusqu’à la caricature, Sleeping Dogs a réussi à m’attacher à ses personnages. Je me souviens encore d’avoir eu de la peine pour certains d’entre eux, ce qui est rare dans un GTA-like.
Plutôt honnête gardien de la paix... ou boss de la mafia ?


Quand Hong Kong devient un personnage
Et puis, il y a Hong Kong. Pour moi, c’est l’autre grande réussite du titre. Le studio United Front Games, dont c’était le premier projet d’envergure, ne s’est pas contenté de faire un simple décor à l'allure asiatique. Ils ont sillonné la ville, pris plus de 25 000 photos, et recréé une version crédible et vivante de la métropole. Je me souviens de mes balades dans le marché nocturne, des néons qui couvraient les rues, des petites ruelles crades contrastant avec les grandes avenues brillantes de mille feux. Hong Kong est l’une des villes les plus denses au monde et dans Sleeping Dogs ça se sent à chaque pas.


On ressent l'effervescence urbaine : les tours et les gratte-ciels se dressent au-dessus de vous partout où vous allez, tandis que les dizaines d'enseignes lumineuses qui surplombent les rues forment parfois des toits improvisés. Je n’avais pas l’impression de traverser un décor, mais une ville pleine de vie. Encore aujourd’hui, quand je relance le jeu, j’ai cette impression unique : celle d’être plongé dans une culture, une atmosphère que je n’ai que rarement retrouvée ailleurs.
Un chien endormi qu’on a préféré abattre
Malgré tout ça, Sleeping Dogs n’a pas rencontré le succès qu’il méritait. Les critiques étaient favorables, mais les ventes n’ont pas suivi : 1,75 million en six mois dans le monde. Square Enix a jugé ça insuffisant, et la suite en pré-production a rapidement été annulée. Résultat : le studio United Front Games a fermé ses portes en 2016, sans jamais avoir pu proposer un autre jeu. Et moi, je me suis retrouvé orphelin d’un titre qui avait tout pour devenir une grande saga. Treize ans après, je repense encore à Sleeping Dogs. À son gameplay nerveux, à son ambiance unique, à cette immersion dans une ville que j’avais l’impression de découvrir à travers mon écran. Pour moi, il ne sera jamais un simple clone de GTA. C’est un joyau qui a eu la malchance de sortir à la mauvaise période (juste un an avant le mastodonte GTA V, qui était alors en pleine campagne marketing) et qui n’a pas trouvé son public.

Alors si vous ne l’avez jamais essayé : foncez. La Definitive Edition est disponible pour une vingtaine d’euros sur PC, PS4 et Xbox One. Et croyez-moi : treize ans plus tard, l’expérience vaut toujours largement le détour.