Acclaim : La renaissance d'un géant du jeu vidéo aux méthodes controversées

Titre original : "De la pub sur nos tombes ?!" Ce géant du jeu vidéo aux méthodes sulfureuses revient d'entre les morts

Il a brillé dans les années 1990 en sortant des succès sur les consoles Nintendo, Sony et SEGA. Il a chuté dans les années 2000 quand les PlayStation 2, GameCube et Xbox se tiraient dessus. Aujourd’hui, cet éditeur revient et affiche un visage angélique… lui qui a longtemps voulu être perçu comme le sale gosse de l’industrie. Acclaim est de retour, pour nous jouer de mauvais tours ?

Toujours le poing levé

Pour certains, son nom rappelle Goro qui montre ses muscles saillants dans l’introduction de Mortal Kombat. Pour d’autres, ce sont les musiques électroniques d’Extreme-G qui reviennent en mémoire, ou les giclées de sang de Turok. Acclaim était un des éditeurs les plus importants des années 1990. Grâce à la publication de jeux basés sur des licences fortes – sportives, télévisuelles, cinématographiques, culturelles – telles que Mortal Kombat, NFL, WWF, NBA, Alien, X-Men, Spider-Man ou encore Batman, le géant a connu une ascension fulgurante. Au milieu des années 1990, ses comptes sont au beau fixe avec des bénéfices avoisinant les 500 millions de dollars à une époque où l’industrie du jeu vidéo est autrement moins lucrative que celle que nous connaissons.

L’entreprise américaine, fondée à New York en 1987 par Greg Fischbach, Jim Scoroposki (des anciens d’Activision) et Robert Holmes, était de base pensée pour gagner. Des places dans le listing des éditeurs, tout d’abord, grâce à un nom choisi pour être alphabétiquement en tête. De l’argent, ensuite, en multipliant des contrats de licence juteux avec de grands groupes tels que Midway ou Marvel. Des parts de marché, enfin, en acquérant des licences et des studios. Cette success story permet à la société d’étendre ses activités et de réagir rapidement aux imprévus. Et des imprévus, elle va en connaître, comme quand elle perd les droits de Mortal Kombat et de NBA Jam, licences qui représentent 75 % de son chiffre d’affaires.


Ils iront loler sur vos tombes !

Si les Dieux du jeu vidéo ont été plutôt cléments avec Acclaim dans les années 1990, le vent tourne dès le début des années 2000. Face à une concurrence de plus en plus rude sur le terrain des jeux de sport, notamment avec Electronic Arts, et à cause de productions ne répondant plus aux qualités attendues, la firme new-yorkaise souffre du bug de l’an 2000 à sa manière. Dave Mirra Freestyle BMX 2 ? Des ventes décevantes qui encouragent Acclaim à faire un épisode trash disposant de séquences érotiques (de strip-tease) avec BMX XXX. Dave Mirra lui-même désavoue le jeu à sa sortie et poursuit l’éditeur en justice, craignant d'être associé à ce titre boycotté par certains revendeurs. NBA Jam cuvée 2003 ? Un flop. All-Star Baseball et NFL Quaterback ? Écrasés par les softs d’Electronic Arts. Legends of Wrestling ? Mal noté par la presse et boudé par le public. Turok Evolution n'atteint pas les objectifs tandis que XGRA : Extreme-G Racing Association sort dans l'indifférence générale. Quant à Shadow Man : 2econd Coming, c'est là encore un échec cuisant.

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Sentant le vent tourner, l’éditeur américain veut marquer les esprits. Après tout, foutu pour foutu, autant aller dans la provocation. Dans une interview accordée à David L. Craddock, Robert Holmes (un des co-fondateurs d’Acclaim) déclare que son entreprise avait “une équipe marketing très créative”. “Nous avions des gens qui avaient de l'expérience dans les jouets, le vin, la technologie, des secteurs très variés, donc nous abordions les choses différemment”, dit-il. Cependant, ces “choses” faites “différemment” ont engendré des campagnes publicitaires plus que discutables.

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Pour faire parler de Turok Evolution, la compagnie américaine promet d'offrir 6 000 livres sterling aux parents qui nommeraient leur bébé “Turok”. Parmi les autres opérations “coup de poing” d’Acclaim, il y a l’annonce d’acheter des espaces publicitaires sur des pierres tombales pour Shadow Man : 2econd Coming (ce que l’éditeur ne fera finalement pas), ou encore la proposition de rembourser tous les conducteurs ayant reçu une contravention pour excès de vitesse pour Burnout 2 : Point of Impact (là encore, Acclaim se rétractera).

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Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles façons d'atteindre notre public, et comme il s'agit de jeux, nous pouvons nous permettre de nous amuser un peu”, répond Alan Lewis, porte-parole de la société, aux détracteurs. Malheureusement pour Acclaim, l’amusement est de courte durée. Les échecs consécutifs ont un effet domino : chute de revenus, perte de confiance des investisseurs, ruptures de contrats de licence et fermetures de studios internes. Acclaim ne parvient pas à payer les royalties pour garder les licences MLB et Turok : la valeur de son action chute aussi rapidement que ses bénéfices. En 2004, l’entreprise est en faillite et se sépare de ses 600 employés ainsi que de ses franchises majeures.

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Magie vaudou ?

L’histoire du jeu vidéo aurait pu définitivement classer Acclaim dans la catégorie des acteurs majeurs du jeu vidéo des années 1990, disparus du paysage vidéoludique à cause d’un modèle compliqué basé sur des licences externes et d’un manque de qualité dans ses productions qui ont conduit à une certaine radicalisation dans sa manière de toucher les joueurs. Cependant, à l’image d’un certain Michael LeRoi, Acclaim passe du monde des morts à celui des vivants un en claquement de doigt… qui a eu lieu cette année.

Un groupe de vétérans de l’industrie a en effet acquis la marque avec l’objectif de la relancer. Le conseil consultatif inclut des noms comme Russell Binder (Striker Entertainment), Mark Caplan (Ridge Partners), et le catcheur Jeff Jarrett, entre autres. Cet Acclaim nouveau, dirigé par Alex Josef, fondateur de VIM Global Consulting, semble un peu plus sage que celui que nous avions quitté il y a plus de 20 ans. Le groupe n’est plus un gros éditeur de AAA, il jette son dévolu sur des projets indépendants qu’il souhaite aider et financer. Dans les listes des premiers jeux annoncés, nous retrouvons du Dungeon crawler, du Roguelite, du Metroidvania, du basket pixellisé et du snowboard en cel shading. Aucune ancienne licence Acclaim n’est présente dans le lot.

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L'ancien Acclaim était bruyant et chaotique”, confesse Alex Josef chez Gematsu. “La différence est qu'aujourd'hui, Acclaim canalise cette même énergie et cette même excitation pour donner les moyens à des créateurs indépendants exceptionnels de proposer des expériences nouvelles, audacieuses, surprenantes et un peu rebelles”, ajoute-t-il. Acclaim a troqué ses coups de pub sulfureux contre des coups de pouce aux indés… un virage radical, peut-être le plus punk qu’il ait jamais osé.