Son nom ne vous dit peut-être rien, pourtant, il fait partie des quelques personnes qui ont permis à Microsoft de sortir du monde du PC pour concurrencer Nintendo et Sony. Pourtant, face à la GameCube et à la PlayStation 2, son rêve aurait pu tourner au cauchemar. Robbie Bach est connu comme un des “pères” de la Xbox, mais il le reconnaît lui-même : il aurait dû être mis à la porte.

“Les pires 18 mois de ma carrière”

Que ce soit grâce au livre “Au cœur de la Xbox” de Dean Takahashi ou par l’intermédiaire du reportage “Power On : The Story of Xbox” réalisé par Andrew Stephan, nous savons que l’arrivée de la toute première console de jeux de Microsoft ne s’est pas faite sans heurts. Concurrence interne avec Windows CE qui a failli être fatale au projet, réunions houleuses où les cadres de la firme de Redmond peinent à donner leur feu vert, machine qui ne s’allume pas devant la presse… le “X de Xbox” aurait pu ne jamais briller.

Aux premières loges de l'accouchement difficile de cette console aux quatre kilogrammes bien trempés, nous retrouvons Robbie Bach. Celui qui a rejoint Microsoft en 1988 et a occupé divers postes dans le marketing et la direction commerciale, notamment à Paris, remplace Rick Thompson, le responsable du projet Xbox, à la fin des années 1990. Il fallait un nouveau chef pour jouer “l’adulte” capable de canaliser l'énergie des jeunes équipes, et c’est tombé sur lui. “C’était une décision fatidique qui a engendré les pires 18 mois de ma carrière”, explique-t-il dans Power On. Alors qu’il découvre les nombreux défis de ce nouveau métier, les équipes Xbox passent de 20 à 2 000 personnes.

Une croix dans la terre

Dépassé par les événements, non joueur et devant apprendre les codes d’une industrie qu’il ne maîtrise pas, l’ancien élève de la Stanford Graduate School of Business fait son possible pour ne pas tomber dans les nombreux pièges qui se dressent devant lui. Lorsque l’E3 2001 arrive, il sait que la console se doit d’impressionner la terre entière car la machine doit sortir à la fin de l’année 2001 aux Etats-Unis. À 8 heures du matin, le lendemain d’une énorme fête organisée par Sony, le responsable du projet Xbox accueille des journalistes pour la grande conférence tant attendue. Sur scène, il l’assure : la console de Microsoft est bien réelle et elle va tout bouleverser. Après avoir bombé le torse, il tente d’allumer la machine, mais… rien ne se passe. La Xbox ne démarre pas.

Robbie Bach s’y reprend à plusieurs reprises, mais rien n’y fait : personne ne verra de lumière verte du hardware ce jour-là dans l’assemblée. En bon présentateur, Bach tente de faire bonne figure. Il continue son show comme si de rien n’était et annonce la date de sortie au 8 novembre 2001. C’est-à-dire dans moins de 6 mois. Après ce premier désastre, Peter Moore, alors chez SEGA, rencontre Bach pour lui assurer que ni les détaillants, ni les développeurs croient en la Xbox, et que les consommateurs pensent que le produit ne vaut pas son prix. Comme si le moral du responsable de la console au gros “X” n’était pas déjà assez bas, Kazuo Hirai (de Sony) le crucifie oralement lors d’une joute verbale pendant une table ronde. Robbie Bach écrit sa lettre de démission le 25 mai 2001 à deux heures du matin. Seulement voilà, Bill Gates et Steve Ballmer refusent sa démission. Mieux, ils l’encouragent à continuer. Bon gré mal gré !

Welcome Bach

Il a de la chance, Robbie Bach : il a la confiance des deux personnes les plus importantes de Microsoft. De toute façon, la firme de Redmond a déjà dépensé trop d’argent pour faire machine arrière. Gates et Ballmer ont dit à Bach que ce projet Xbox, ce n’était pas dans l’ADN de Microsoft, ce n’était pas Windows, bref, c’était quelque chose de nouveau et qu’il fallait donc tenter des choses nouvelles. Il y a deux choix soutenus par Bach qui vont tout changer : Halo et le Xbox Live. “Sans ces deux éléments, je pense que la console n’aurait probablement pas survécu et que la marque ne se serait pas construite”, estime-t-il chez Yahoo Finance.

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Malgré les moyens de Microsoft, la première Xbox n’arrive pas à s'imposer face à la PlayStation 2 de Sony, mais elle parvient à passer devant Nintendo et sa GameCube. La console a remporté suffisamment de parts de marché pour que les têtes pensantes de la firme de Redmond continuent de la soutenir. Plus intéressant encore, la Xbox réussit à rendre Microsoft “cool” auprès des ados, ce qui paraissait impossible jusque-là alors que la société croulait sous les affaires judiciaires.

Des milliards de dollars évaporés, et alors ?

Alors que Microsoft voulait initialement en vendre 100 millions, ce sont 25 millions de Xbox qui ont trouvé le chemin des foyers américains (surtout), européens (un peu) et japonais (sur un malentendu). De l’aveu même des Robbie Bach, la première Xbox a fait perdre entre 5 et 7 milliards de dollars à Microsoft. “Le gars qui perd 5 ou 7 milliards de dollars ne survit pas, pas plus que le projet qu’il défend”, s’amuse à rappeler Robbie Bach chez Yahoo Finance. Cependant, grâce aux parts de marché encourageantes et grâce au fait que les jeunes trouvent enfin Microsoft plus sympa, Bill Gates et Steve Ballmer décideront de mettre en chantier une future Xbox. Celle que nous connaissons sous le nom de Xbox 360 et qui s’imposera comme la Xbox la mieux vendue.

Le succès de la Xbox 360 et l’explosion du Xbox Live permettront à Robbie Bach de devenir le président de la division Entertainment and Devices où il sera responsable du gaming mais aussi de la musique, de la vidéo et de la téléphonie pour la société américaine. Il annoncera son départ en retraite le 25 mai 2010, soit 9 années jour pour jour après avoir envoyé sa lettre de démission à Bill Gates et Steve Ballmer. Comme quoi, il a bien fait de persévérer.