La Quatrième Dimension : entre chef-d'œuvre culte et tragédie cinématographique marquante

Titre original : Ce chef-d’œuvre culte cache l’un des accidents les plus terribles de l’histoire du cinéma

Hommage ambitieux à la série culte de Rod Serling, La Quatrième Dimension : le film (1983) demeure autant une œuvre marquante du fantastique qu’un symbole tragique du cinéma américain. Derrière ses quatre segments réalisés par des maîtres du genre, le souvenir d’un tournage endeuillé continue de hanter Hollywood.

Sorti en 1983, La Quatrième Dimension : le film (Twilight Zone: The Movie) est un long métrage à sketches conçu comme un hommage à la série culte de Rod Serling, diffusée à partir de 1959. Cette production ambitieuse réunit quatre réalisateurs d’exception — John Landis, Steven Spielberg, Joe Dante et George Miller — pour revisiter, chacun à leur manière, les thèmes chers à l’anthologie originale : l’étrangeté, la peur et la morale. Mais derrière cette réunion prestigieuse se cache l’un des drames les plus terribles de l’histoire du cinéma. Le tournage fut marqué par un accident d’hélicoptère qui coûta la vie à trois acteurs, dont deux enfants, un événement tragique qui continue de jeter une ombre sur l’œuvre et sur Hollywood tout entier.

Le segment maudit de John Landis : la tragédie du 23 juillet 1982

Le drame survient dans le premier segment du film, Time Out, réalisé par John Landis. L’acteur Vic Morrow y incarne Bill Connor, un homme rongé par le racisme qui se retrouve projeté dans différentes époques où il devient, à son tour, victime de la haine qu’il professait : l’Allemagne nazie, le Sud ségrégationniste, puis la guerre du Viêt Nam. La scène fatale devait montrer Morrow fuyant avec deux enfants vietnamiens — Renee Shin-Yi Chen (6 ans) et My-ca Dinh Le (7 ans) — alors que des explosions déchirent le ciel nocturne. Tournée à 2 h 30 du matin, le 23 juillet 1982, sur le ranch d’Indian Dunes en Californie, la séquence mobilisait un hélicoptère Bell UH-1 Iroquois volant à très basse altitude. Mais une série d’explosions pyrotechniques trop puissantes endommagea le rotor de l’appareil. L’hélicoptère perdit le contrôle et s’écrasa sur les acteurs. Vic Morrow et les deux enfants furent tués sur le coup — l’un écrasé, les deux autres décapités par les pales. Le choc fut immédiat et mondial.

Ce chef-d’œuvre culte cache l’un des accidents les plus terribles de l’histoire du cinéma

Un procès historique et la fin d’une amitié

À la suite du drame, John Landis et plusieurs membres de l’équipe — dont le producteur George Folsey et le superviseur des effets spéciaux Paul Stewart — furent inculpés pour homicide involontaire. Les accusations portaient sur de graves manquements à la sécurité : emploi illégal d’enfants sur un tournage de nuit, conditions dangereuses, et ordres directs de faire voler l’hélicoptère plus bas malgré les avertissements techniques. Le procès, très médiatisé, débuta en 1986 et dura près d’un an. C’était la première fois dans l’histoire du cinéma américain qu’un réalisateur était poursuivi pénalement pour des faits commis sur un plateau. En 1987, tous les accusés furent acquittés, faute de preuves suffisantes de négligence criminelle.

Mais les conséquences furent profondes : Steven Spielberg, profondément choqué, rompit son amitié avec Landis, déclarant qu’il n’avait « plus jamais voulu d’un film qui vaille la vie d’un être humain ». L’affaire mit fin à la période d’insouciance de certains tournages hollywoodiens et ouvrit une ère nouvelle de vigilance et de responsabilité.

Un héritage tragique mais fondateur

Au-delà du scandale, la tragédie d’Indian Dunes provoqua une refonte durable des pratiques de sécurité dans l’industrie du cinéma. En Californie, la législation fut renforcée pour encadrer le travail des mineurs et les effets spéciaux à risque. Les studios, notamment Warner Bros., mirent en place des “bulletins de sécurité”, désormais obligatoires sur les tournages impliquant des cascades, des armes ou des effets pyrotechniques. Ces protocoles sont encore aujourd’hui un héritage direct de ce drame. La Quatrième Dimension : le film reste donc une œuvre paradoxale : vitrine du génie collectif du cinéma fantastique américain, mais aussi rappel cruel du prix parfois payé pour l’illusion du spectacle.