Nul doute qu’avec les films de la saga Dune, le réalisateur Denis Villeneuve a eu le droit à un gain de popularité fulgurant. Toutefois, la carrière du cinéaste n’est pas faite que d’adaptations de romans cultes de science-fiction ou de prolongements cinématographiques (Blade Runner 2049). Dans sa filmographie se cache un film qui figure parmi ses meilleures productions et qui est, à mon sens, invisibilisé par ses récents longs-métrages. C’est un bijou et je trouve ça dingue qu’on en parle si peu !
Les films de la saga Dune sont peut-être excellents, mais Denis Villeneuve a fait bien mieux !
Aux yeux du grand public, c’est bel et bien la saga Dune qui a placé l'œuvre du réalisateur Denis Villeneuve sous le feu des projecteurs. Pourtant, le cinéaste canadien est actif depuis le début des années 90 par le biais de plusieurs courts-métrages et de deux longs-métrages (Un 32 août sur terre, Maelström), avant de construire sa réputation entre 2010 et 2020. Aujourd’hui, le talent de Denis Villeneuve n’est plus à prouver, et c’est notamment pour cette raison qu’il a pris les rênes de l’adaptation de l'œuvre de Frank Herbert, encensée pour ses deux premiers volets, d’une part, et aussi très attendue, de l'autre, en raison d’un troisième opus en cours de production. Toutefois, ça serait un peu réducteur d’associer Denis Villeneuve à cette simple trilogie en cours de finalisation car sa filmographie contient de véritables bijoux de cinéma. Il y a bien évidemment Blade Runner 2049 — autre preuve que Hollywood n’a pas peur de lui confier de grandes franchises — ou encore Prisoners, avec Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal. Pour ma part, c’est avec Premier Contact (Arrival, en version originale ; 94% de recommandation sur Rotten Tomatoes) que j’ai découvert le cinéma de Denis Villeneuve et c’est, encore aujourd’hui, l’un des films qui m’a le plus marqué, notamment parce qu’il parvenait à réinventer la manière dont on mettait en scène les films d’extraterrestres et proposait une fin particulièrement bouleversante.

Tout ceci pour dire qu’il y a, à mon sens, des films de Denis Villeneuve dont on ne parle pas assez, contrairement à d’autres qui reviennent souvent, en particulier ces dernières années. Prisoners, cité précédemment, en fait partie, mais il y a aussi Incendies ou encore Polytechnique. Cependant, dans ces lignes, on va plutôt revenir sur… Sicario, l’un des films les plus percutants mais également l’un des moins évidents à appréhender au sein de la filmographie de Denis Villeneuve en raison de son style de réalisation, reprenant le concept du « hyperlink cinema ». Sorti en 2015 et recommandé à 92% d’après les critiques presse recensées par le site Rotten Tomatoes, Sicario est aussi l’oeuvre de Taylor Sheridan, acteur (Sons of Anarchy) ayant relancé sa carrière durant les années 2010 en officiant comme scénariste (Yellowstone, 1883, Tulsa King…). Récemment, je me suis replongé dans le film, après plusieurs années sans l’avoir visionné, et j’avais encore ses moments les plus forts en tête tellement ils sont marquants, et je vais tenter de vous expliquer pourquoi Sicario est un film à voir, et pourquoi je trouve ça complètement fou qu’on ne parle pas assez de ce bijou !

Le film Sicario de Denis Villeneuve est tellement sous-côté, presque personne n’en parle et c’est incompréhensible
Bien évidemment, ces lignes n’ont pas pour ambition de retracer l’ensemble du film mais d’insister sur les détails qui font que je le considère comme l’un des meilleurs films de Denis Villeneuve et l’un des plus meséstimés par le public. Déjà, pour commencer, visionner Sicario, c’est passer un peu moins de deux heures dans un état de tension permanent. Plus qu’une montée en puissance, le film de Denis Villeneuve est un tour de montagnes russes et, comme lorsqu’on choisit notre siège dans l’attraction Tonnerre de Zeus, on a le droit à une introduction où l’intensité ne cesse de croître avant que la descente nous offre une grosse dose d’adrénaline. Si on pense que le plus poignant est derrière nous, c’est une erreur. Comme je le disais, l’ambiance est pesante dans Sicario, notamment par le biais de sa mise en scène. En étant témoin du flou dans lequel l’héroïne, Kate Macer (incarnée par Emily Blunt), il y a un transfert qui s’opère et qui nous place dans le même état de malaise et d’incompréhension. Pendant toute la durée du film, on est perclus de questions et on ne recolle les morceaux qu’à l’orée de certains événements. Et puis, le contexte du film n’aide pas à se rassurer. D’un côté, on a un Benicio del Toro (Alejandro Gillick) qui joue un personnage aussi nébuleux que taiseux, et, de l’autre, on a un Matt Graver (Josh Brolin) qui paraît complètement détendu. Forcément, quand on est une agent du FBI qui se retrouve parachutée sur une affaire de lutte contre les cartels et le trafic de drogue dans de telles conditions, c’est difficile de rester serein.

D’ailleurs, plutôt que de fantasmer un énième thriller qui met en scène les opérations de lutte contre les cartels de narcotrafiquants, Denis Villeneuve fait ressortir de ses prises de vue un réalisme saisissant tant c’est un problème majeur auquel certaines populations sont confrontées chaque jour. Et c’est ce qu’on retrouve ici en quelque sorte puisque les quelques habitants que l’on croise nous donnent l’impression d’être habitués au ballet des fourgons de police et autres forces spéciales, comme si ça faisait partie de leur quotidien. Pourtant, si la situation paraît anodine, la tension ne disparaît pas, et les dialogues, le montage et la musique (notamment la piste « The Beast », extrait de la bande-originale composée par Jóhann Jóhannsson) renforcent l’atmosphère oppressante qui innerve l’ensemble du long-métrage. Summum de la tension, on peut brièvement citer la scène en vision thermique et l’infiltration dans les tunnels qui s’ensuit. En l’espace de quelques minutes, l’atmosphère anxiogène monte d’un cran et même de plusieurs tant on a le sentiment, comme Kate, d’être pris dans un piège où chaque tournant peut être le dernier par manque de visibilité et d’espace pour se protéger. Aujourd’hui, dix ans après sa sortie, Sicario est l’un des films de Denis Villeneuve dont on parle le moins, alors qu’il est, à mes yeux, l’un des plus percutants. Qui plus est, ce film est également la preuve que la franchise James Bond est entre de bonnes mains avec Denis Villeneuve aux commandes. Si j’en suis autant persuadé, c’est en raison de l’une des scènes finales du film. Si le futur film 007 parvient à retrouver ces instants de tension, ça risque d’être grandiose !