Clint Eastwood, fidèle à une ligne de conduite qu’il s’impose depuis plusieurs décennies, demeure intransigeant sur une question qu’il refuse catégoriquement d’évoquer lorsqu’il entame un nouveau projet. Une position révélatrice de sa conception du cinéma et de la création artistique, à rebours des logiques industrielles qui dominent Hollywood.
Clint Eastwood, aujourd’hui âgé de 95 ans, s’interdit toujours d’aborder un thème précis lorsqu’il commence à travailler sur un nouveau film : l’argent. Une habitude qu’il assume depuis de nombreuses années, estimant que les considérations économiques nuisent à la sincérité et à la liberté de la création.
Une philosophie héritée d’une longue expérience
Dans un entretien donné à Entertainment Weekly il y a 20 ans, Eastwood affirmait déjà qu’il n’avait jamais voulu parler de budget ou de potentiel commercial avant de se lancer dans un tournage : « Si quelqu’un venait me dire “J’ai ce script pour toi et on pourrait se faire beaucoup d’argent avec”, je lui dirais “Ne me parle pas de ça, je ne veux pas le savoir. Je veux juste savoir ce que raconte l'histoire et comment sont les personnages. », a-t-il déclaré au média.

Ce refus illustre une démarche artistique fondée sur l’instinct et la narration plutôt que sur la rentabilité. Le cinéaste, connu pour son sens de la rigueur et de la sobriété, revendique un rapport presque ascétique à son métier : il se concentre sur l’histoire, le ton et les émotions, sans se laisser influencer par des projections financières. Cette attitude, constante depuis ses débuts derrière la caméra dans les années 1970, éclaire la cohérence d’une carrière jalonnée de succès critiques comme Million Dollar Baby, Mystic River ou Gran Torino, où le réalisme et la retenue priment sur le spectaculaire.
La continuité d’un cinéma d’auteur
Cette ligne de conduite se retrouve dans son travail le plus récent, Juré n°2, un thriller judiciaire qu’il a tourné en 2024. Le film, porté par Nicholas Hoult, Toni Collette et J.K. Simmons, explore la culpabilité et le dilemme moral d’un juré découvrant son implication dans le crime jugé. Tourné avec un budget limité, le long-métrage témoigne une nouvelle fois du goût d’Eastwood pour les récits dépouillés et psychologiquement intenses. Bien que son exploitation en salles ait été modeste, la presse américaine a salué la maîtrise d’un réalisateur qui, à plus de 90 ans, reste fidèle à sa vision.

À travers cette philosophie, Clint Eastwood confirme qu’il préfère la vérité des histoires à la recherche du profit. En refusant de savoir combien un film pourrait rapporter, il revendique un cinéma affranchi des chiffres, centré sur l’humain, et fidèle à une éthique d’auteur devenue rare dans le Hollywood contemporain.