Fresque romantique et militaire, ce film de Fred Zinnemann conjugue passion, honneur et tragédie sur fond de Pearl Harbor. Un chef-d’œuvre intemporel où Hollywood atteint le sommet de son art.
Réalisé par le grand maître Fred Zinnemann, également connu pour Douze heures à midi, Tant qu’il y aura des hommes (From Here to Eternity) s’impose comme l’un des joyaux du cinéma américain des années 1950. Sorti en 1953 et adapté du roman éponyme de James Jones (1951), ce drame romantique et militaire se déroule à Hawaï, dans les mois précédant l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. Tourné en noir et blanc, le film a immédiatement conquis la critique et le public, devenant non seulement un succès commercial majeur, mais aussi l’un des films les plus acclamés et influents de la décennie.
Un casting légendaire au cœur de la tourmente
Le triomphe du film repose d’abord sur sa distribution exceptionnelle, un véritable panthéon hollywoodien. Burt Lancaster campe le sergent-chef Milton Warden, militaire rigoureux mais tiraillé entre devoir et passion. À ses côtés, Montgomery Clift incarne Robert E. Lee Prewitt, soldat rebelle et idéaliste qui refuse de rejoindre l’équipe de boxe du capitaine Holmes, acte de défi qui lui vaut brimades et persécutions. Les rôles féminins sont portés par deux performances inoubliables : Deborah Kerr en Karen Holmes, épouse délaissée qui entame une liaison avec Warden, et Donna Reed en Alma Burke (Lorene), jeune femme au passé trouble. Enfin, Frank Sinatra, bouleversant en soldat Angelo Maggio, signe un retour en grâce salué unanimement par la critique.

Le film a marqué les esprits par son célèbre baiser sur la plage, scène torride entre Lancaster et Kerr, devenue icône de la passion au cinéma. Cette séquence audacieuse, symbole d’adultère et de désir, a bousculé les conventions morales d’Hollywood, encore soumise au Code Hays. Au-delà de la romance, Zinnemann tisse une chronique humaine poignante, où l’amitié, la loyauté et la fatalité se mêlent aux prémices de la guerre.
Un triomphe aux Oscars et un héritage immortel
Consacré lors de la cérémonie des Oscars 1954, Tant qu’il y aura des hommes rafle huit statuettes sur treize nominations, dont Meilleur Film, Meilleure Réalisation (Fred Zinnemann) et Meilleure Adaptation (Daniel Taradash). Frank Sinatra et Donna Reed remportent chacun l’Oscar du Meilleur Second Rôle, confirmant leur place parmi les légendes du cinéma. Pour obtenir le soutien de l’armée américaine et contourner la censure, le scénario dut être largement modifié : certains aspects du roman original furent adoucis, notamment la transformation du personnage de Lorene, prostituée dans le livre, en hôtesse de club social dans le film. Malgré ces ajustements, Zinnemann réussit à préserver toute la force émotionnelle et morale de l’œuvre de James Jones.
Le film ne s’est pas arrêté à son succès initial : deux Golden Globes, un Bambi, et surtout, en 2002, son entrée au National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès américain, où il est reconnu comme « culturellement, historiquement et esthétiquement significatif ». Près de 70 ans après sa sortie, Tant qu’il y aura des hommes demeure un classique absolu, un drame d’une intensité rare où la passion individuelle se heurte au tumulte de l’Histoire.