Electronic Arts face à un rachat : promesses de contrôle créatif ou influence saoudienne sous-jacente ?

Titre original : "EA conservera le contrôle créatif" Après la proposition de rachat, l'éditeur veut rassurer... mais il y a de quoi avoir de gros doutes

C’était l’énorme annonce business du mois dernier : Electronic Arts, un des éditeurs de jeux vidéo les plus importants de l’industrie, devrait être racheté au prix de 55 milliards de dollars par un consortium d’investisseurs. Le groupe promet qu’il gardera la main sur son contenu, mais il est forcément difficile d’y croire.

Sur le papier, EA est le maître

Souvenez-vous, au mois d’octobre, Electronic Arts annonçait qu’il allait être acquis par trois fonds d’investissement, à savoir le PIF, Silver Lake et Affinity Partners. Si Affinity Partners n’a jamais vraiment affiché d’intérêt pour le monde du jeu vidéo, cela n’est pas le cas de Silver Lake qui a injecté des centaines de millions de dollars dans le moteur de jeu Unity, ni du PIF, le fonds d’investissement d’Arabie saoudite. Ce dernier a acquis le studio spécialisé dans le jeu sur mobile Scopely (Monopoly Go), et a pris des parts auprès de divers géants du secteur, tels que Nintendo, Capcom ou encore Embracer Group.

"EA conservera le contrôle créatif" Après la proposition de rachat, l'éditeur veut rassurer... mais il y a de quoi avoir de gros doutes

Approuvé par le conseil d'administration d’EA, ce rachat doit encore recevoir l’approbation des actionnaires de l’entreprise. Comme vous le savez sûrement, une OPA va être mise en place, permettant aux actionnaires minoritaires de revendre leurs actions à un prix au-dessus du cours actuel. La côte sera ensuite retirée de la bourse et l'actionnariat deviendra totalement privé. Sur le papier, EA décidera encore de tout. Le siège social reste à Redwood City, en Californie, et Andrew Wilson continuera d'être le PDG. Dans un document destiné aux employés d'EA que le site Eurogamer a déniché, l’éditeur assure à ses employés qu’il conservera le contrôle créatif total si l'acquisition se concrétise. “Notre mission, nos valeurs et notre engagement envers les joueurs et les fans du monde entier restent inchangés”, assure EA.

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Dans le fonds, l’Arabie saoudite décide

Se faire racheter par un fonds d’investissement peut théoriquement donner la possibilité de croître tout en conservant son indépendance. Il est bon de rappeler que ces fonds ont normalement pour but d’investir de l’argent dans d’autres sociétés pour les revendre à un montant plus élevé après une certaine période. Ici, il y a deux problèmes. Le premier, c’est que l’éditeur est racheté à un prix tellement haut – 55 milliards de dollars – qu’il n’y aurait tout simplement pas de candidat pour une nouvelle acquisition, tout du moins sans découpe. Le second, c’est que le PIF est un fonds souverain et qu’il n'a donc pas de souscripteurs à contenter avec une revente. Vient alors la question de l’intérêt réel de l’Arabie saoudite dans cette transaction si ce n’est pas l’envie de revente qui motive ses intentions.

"EA conservera le contrôle créatif" Après la proposition de rachat, l'éditeur veut rassurer... mais il y a de quoi avoir de gros doutes

Bien que les montages financiers demeurent possibles, tout indique que l’Arabie saoudite utilisera Electronic Arts pour développer son influence, surtout dans le monde du sport où elle multiplie les investissements depuis de nombreuses années, notamment dans le football. Le jeu vidéo peut être vu comme une manière de redorer le blason du royaume : c’est ce que l’on appelle le soft power. Par voie de conséquence, quand bien même Andrew Wilson resterait le PDG d’Electronic Arts, certaines décisions artistiques pourraient être encouragées ou au contraire freinées par ceux qui détiennent vraiment EA, c’est-à-dire le PIF, Silver Lake et Affinity Partners. Lorsque l’on sait que Affinity Partners est un fonds dirigé par Jared Kushner, qui n’est autre que le gendre de Donald Trump, et dont les ressources financières viennent majoritairement du gouvernement saoudien... il y a forcément de quoi froncer les sourcils quant aux récentes déclarations d’Electronic Arts envers ses employés. Affaire à suivre.