Il est toujours difficile de voir une œuvre que l’on a adorée devenir l’ombre d’elle-même. X-Files était LA série de ma jeunesse, mais les saisons 10 et 11, sorties en 2016 et 2018, ont enchaîné tellement d’horribles maladresses que j’aimerais fixer le neurolaser des men in black pour tout oublier.
Cet article étant un billet d’opinion, il est par nature 100 % subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV. Bonne lecture !
La vérité est taillée
Il y a quelques semaines, Variety a rouvert une plaie. Celle du retour totalement gâché de Mulder et Scully sur le petit écran en 2016 et 2018 pour les deux dernières saisons d’X-Files. L’article est pourtant anodin, il évoque Ryan Coogler, le réalisateur de Creed et de Sinners qui va s’occuper du reboot de la série que l’on connaît sous le nom d’Aux frontières du réel chez nous. “X-Files est une série importante pour ma mère”, dit-il, avant d’ajouter : “ma mère compte énormément pour moi (...). Je veux être à la hauteur de ses attentes et de celles des fans. Elle a lu certains des scénarios que j'ai écrits pour la série et elle est ravie”. L’article se termine sur les rumeurs de l’arrivée de Danielle Deadwyler dans le show, et le fait que Gillian Anderson et David Duchovny pourraient peut-être faire une apparition.

Pourtant, l'interprète de Dana Scully a plusieurs fois répété qu’elle ne reviendrait plus et qu’elle n’était pas responsable des scripts de la dernière saison. “La fin a été problématique, du point de vue de l'intrigue. J'avais l'impression que le parcours de Scully n'était plus synonyme de force et d'autonomie. Je n'appréciais pas vraiment la direction que prenait la série, et pourtant, je n'avais pas mon mot à dire”, lit-on par ici. Il est vrai que son personnage est en retrait dans la dernière saison, et que son comportement nous rappelle les heures les moins passionnantes de la saison 9. Ce n’est pourtant pas la pire chose des deux dernières saisons. Là où le revival de X-Files est incroyablement décevant, c’est qu’il enchaîne toutes les erreurs qu’il ne faut normalement pas faire quand on fait revenir une série après tant d’années d’absence.

Dans le formol
Sur le papier, tout est pourtant réuni pour que le show revienne dans de bonnes conditions. Le casting d’origine répond présent avec David Duchovny, Gillian Anderson, Mitch Pileggi et Annabeth Gish. Même l’homme à la cigarette (William B. Davis) revient d’entre les morts pour ces ultimes saisons. À l’écriture, nous retrouvons Chris Carter et Frank Spotnitz, tandis qu’à la réalisation, nous retrouvons là aussi des noms connus tels que James Wong, Glen Morgan ou encore Darin Morgan. Plusieurs choses sont à regretter avec ce retour manqué. Contrairement à un David Lynch qui avait su intelligemment transformer ses héros dans Twin Peaks saison 3 (saison sortie 26 ans après la fin de la saison 2 de Twin Peaks), Mulder et Scully semblent sortir d’un sommeil cryogénique. Ils ont les mêmes failles qu’au moment où nous les avons quittés. En particulier, ils n’ont pas tourné la page William (leur fils qu’ils ont dû abandonner).

Cela donne l’impression que l’on poursuit l’intrigue de la saison 9 (je ne compte pas le film sorti entre-temps) comme s’il ne s’était passé qu’une petite année, alors que 14 ans séparent la fin de la saison 9 et le début de la saison 10. Le personnage de Mulder aurait pu être intéressant. Dans le premier épisode de la saison 10, on perçoit chez lui une paranoïa et une envie de croire à toutes les théories conspirationnistes. Ce côté un peu fêlé aurait pu être passionnant à explorer. Cependant, les scénaristes préféreront ne pas continuer à creuser cette voie et feront de Mulder le héros classique, un rien désabusé par le fait que la plupart des affaires paranormales ont trouvé des explications en 2016.
Ne faites confiance à personne, surtout pas à Chris Carter
J’aurais pu pardonner beaucoup de choses à ce revival s’il n’avait pas franchi deux limites. La première, et attention spoiler, c’est que l’on apprend à un moment donné que William n’est finalement pas le fils de Mulder et Scully, mais qu’il est la progéniture de l’homme à la cigarette qui a inséminé Scully à son insu ! Rien ne préparait les spectateurs à cette révélation, et les explications données paraissent farfelues. On a alors l’impression d’être en face d’un rebondissement présent seulement pour être choquant, aussi illogique qu’il puisse paraître. De plus, cette révélation remet en cause un des fils émotionnels majeurs de la (fin de la) série.

La deuxième limite, c’est que les scénaristes ont abusé d’un effet de mise en scène qui devrait être interdit dans les écoles de cinéma. Celui de faire un cliffhanger haletant à la fin d’une saison et de ne pas respecter ses engagements au début de la suivante. Nous quittons en effet un Mulder mourant sur un pont tandis qu’un OVNI descend du ciel et s’approche de Scully dans les ultimes minutes de la saison 10. Tout ça pour que la saison 11 débute sur… Scully au sol, ayant en fait rêvé les événements du grand final de la saison 10. Oui, le cliffhanger n’était qu’un rêve. En fait, une vision qui pourrait être prémonitoire... La belle affaire. Je ne vais pas aborder le fait qu’à la toute fin de la saison 11, Scully retombe miraculeusement enceinte, cette fois-ci de Mulder, enfin normalement. Après nous avoir fait le coup d’annoncer que William était en fait le fils de l’homme à la cigarette, la clique de Chris Carter n’a rien trouvé de mieux pour nous achever donner envie de voir une nouvelle saison. Qui n’arrivera jamais faute d’audiences décevantes.

Je ne sais pas où va aller le reboot de X-Files de Ryan Coogler. Avec un peu de chance, nous aurons de nouveau un duo intéressant, des histoires qui donnent des frissons, des réflexions sur les conspirations, qu’elles impliquent des aliens ou non. La seule chose qui me rassure, c’est que Chris Carter ne sera pas impliqué dans ce projet. Presque 10 ans plus tard, je ne comprends toujours pas ce qu’il a tenté de faire avec ce retour, sinon caricaturer sa propre série.