Ce projet monumental, initié au milieu des années 1960, était destiné à redéfinir les standards techniques du cinéma d’animation. Trois décennies de travail méticuleux ont fini en miettes face aux demandes et aux changements de la boîte de production.
Le film Le Voleur et le Cordonnier a l'une des histoires les plus singulières du cinéma. Le réalisateur Richard Williams avait conçu ce film d'animation fantastique comme son projet de vie, visant à produire “le meilleur film d'animation jamais créé”. Commencée en 1964, Le Voleur et le Cordonnier a traversé près de trois décennies de production, jonglant entre financements indépendants et difficultés techniques. Le développement a pris un tournant décisif après le succès de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? dont Williams avait dirigé l'animation, lorsque Warner Bros a accepté de financer et de distribuer le long-métrage en 1989.
Le cauchemar des coupes et l'échec commercial
Quand Warner Bros reprend Le Voleur et le Cordonnier, la société de production donne un budget de 28 millions d’euros et une date limite allant jusqu’en 1991. Le 13 mai 1992, Williams a été évincé du projet car il n'était pas achevé à temps. Fred Calvert, un producteur américain, a été chargé de terminer la production à moindre coût, remaniant l'œuvre originale et la transformant en une comédie musicale standard. Cette version est sortie en 1993 sous le titre La Princesse et le Cordonnier.
Deux ans plus tard, Miramax Films a acquis les droits nord-américains et un procédé à un nouveau montage, renommant le film Le Chevalier Arabe et ajoutant des voix à Tack et au Voleur. Ce montage est sorti en 1995 et a été un échec commercial, rapportant un peu plus de 665.000 dollars au box-office. La version Miramax a souvent été comparée défavorablement au Aladdin de Disney, le New York Post déplorant que les paroles des chansons ajoutées étaient « horribles » malgré le fait que l'animation de Williams était « parmi les plus glorieuses jamais créées ». Alex Williams, le fils du réalisateur originel, a quant à lui donner son avis sur les modifications, qualifiant le résultat de « plus ou moins irregardable ». Richard Williams, profondément affecté, a toujours refusé de regarder ces versions alternatives du film.

À l’origine, une fresque animée inspirée de l'art oriental
Dans ce film d’amination fantastique, Le Voleur et le Cordonnier s’est inspiré initialement des contes de Mulla Nasruddin. Avec l’influence américaine et l’éjection de Richard Williams du projet, l'intrigue finale s'inspire des éléments des Mille et Une Nuits. Richard Williams voulait à l’origine que son film soit fondamentalement un « film muet avec beaucoup de son », mettant en scène deux protagonistes sans voix : Tack, un cordonnier maladroit et un Voleur anonyme, d’où le titre. Le récit se déroule dans la Cité d'Or, menacée par une prophétie et l'antagoniste est le Grand Vizir, Zigzag. L'animation faite à la main par Richard Williams a été réalisée en 24 images par seconde, contre 12 dans l’animation classique, pour une meilleure fluidité.