L'injustice des Game Awards : Pourquoi GTA 6 ne devrait pas concourir pour le titre de "jeu le plus attendu" en 2025

Titre original : GTA 6 fait comme Elden Ring aux "Oscar" du jeu vidéo, je trouve que ça n'a aucun sens en plus d'être injuste

C’est cette semaine que les jeux vidéo nommés aux Game Awards 2025 ont été annoncés. Un événement annuel que le monde du jeu vidéo attend puisqu’il symbolise la fin d’un cycle et le début d’un autre. L’occasion de retracer ce qu’il s’est passé durant les douze derniers mois pour consacrer les meilleurs titres. L’occasion, via une catégorie dédiée, de regarder aussi vers l’avenir. Sauf qu’il y a un éléphant dans la pièce et que personne ne veut en détourner le regard.

Aux alentours de chaque mois de novembre, les Game Awards sont devenus un rendez-vous incontournable pour les joueuses et joueurs comme pour les studios. Considéré comme les "Oscar" du jeu vidéo, cet événement présenté par Geoff Keighley oppose les studios de développement et leurs créations à travers 26 catégories (dont celle du prix des joueurs, dont les nommés n’ont pas encore été annoncés). De quoi, pour chacun (les votes mêlant participation du public et médias spécialisés) mettre son grain de sel et se faire le participant de l’expérience qui nous a le plus marquée en 2025.

Sans refaire toute les catégories, l’année 2025 a surtout été marquée par la sortie en avril de Clair Obscur : Expedition 33. Le titre du studio français Sandfall Interactive a été nommé à 12 reprises, un record pour la cérémonie. Mais vous l’aurez compris via le titre : ce qu’il m’importe de parler dans cet article ne concernent pas les prétendants au titre final (bien qu’il y ait beaucoup de choses à dire) mais sur une récompense en particulier : celle du jeu vidéo le plus attendu. Et je trouve injuste, en plus de n’avoir aucun sens, que GTA 6 y concourt.

GTA 6 fête bientôt ses 4 ans

Il suffit d’un message de Rockstar sur le réseau social Twitter le 04 février 2022 pour allumer la mèche. Déjà présent sur toutes les bouches accompagné de rumeurs et de on-dit, le prochain GTA est officialisé par Rockstar. 1 an et demi plus tard, deux jours avant ces chers Game Awards édition 2023, le studio tire le premier en annonçant un premier trailer du jeu. De quoi bien montrer qu’il sait : GTA n’a pas besoin de personne pour faire parler de lui et encore moins de cette cérémonie.

Un seul trailer, décortiqué dans tous les sens avant même qu’on ait vu la moindre séquence de gameplay, qui suffit à le propulser aux nommés des jeux vidéo les plus attendus lors des Game Awards 2024. Un titre qu’il a remporté, sans doute haut la main, face à Death Stranding 2 ; Monster Hunter Wilds ou encore Metroid Prime 4 : Beyond.

À l’époque alors, on savait que GTA était prévu pour la fin d’année 2025. Une première fenêtre de sortie officielle repoussée en mai 2025, plusieurs jours avant la publication du second trailer. Un délai que certains joueurs pouvaient voir le verre à moitié plein : maintenant, il y a une vraie date de sortie puisqu’elle sera fixée au 26 mai 2026. Une trajectoire qui, mécaniquement, le rend à nouveau éligible à la catégorie "jeu le plus attendu” pour l’édition 2025 des Game Awards, puisqu’il n’est toujours pas sorti à la date limite de l'envoi des listes. Résultat : on se retrouve avec un même titre, déjà récompensé une fois, qui revient en lice sans que rien, fondamentalement, n’ait changé pour le public, si ce n’est… un report supplémentaire.

"Jeu le plus attendu" : unc concours de hype ?

Je l’ai dit, GTA 6 a été récompensé, en 2024 déjà, du prix du titre la catégorie. Le faire concourir cette année également lui permet de prétendre une nouvelle fois au trophée. Quelque chose d’absurde puisqu’il a déjà gagné : il n’a pas plus à prouver que c’est un titre attendu, si ce n’est qu’aux 4 autres titres avec lequel il est opposé. À savoir The Witcher 4 ; Resident Evil : Requiem ; Marvel’s Wolverine et 007 : First Light.

C’est aussi injuste parce qu’il prend la place d’un jeu qui aurait pu bénéficier de plus de lumière. On peut considérer que ce n’est que de la communication, qu’un prix de “jeu le plus attendu” n’a pas le même poids qu’un titre de Jeu de l’année. Sauf que ces vitrines restent précieuses, surtout pour des jeux qui n’ont pas la puissance marketing d’un Rockstar. À force de laisser les mêmes blockbusters revenir année après année, on finit par transformer cette catégorie en concours de popularité à long terme, plutôt qu’en instantané de ce qui fait vraiment frémir les joueuses et les joueurs sur les douze mois écoulés. Un sentiment que je nourris peut-être à cause de mon indifférence par rapport à GTA 6. Mais je peux aussi tenir ce discours pour Elden Ring, élu deux fois de suite (2020, 2021) que je considère comme l'un des meilleurs jeux de ces 10 dernières années et que je chéris particulièrement.

Ce qui me gêne aussi dans cette approche, c’est la problématique des reports. Il a été repoussé officiellement 2 fois et est donc, je l’ai déjà mentionné, attendu pour le 19 novembre 2026. Une date limite avec laquelle coïncide les votes des médias spécialisés pour envoyer leur liste de nommés. Si GTA 6 est à nouveau repoussé, il sortira donc indubitablement à une date incompatible avec les Game Awards de 2026. Et quoi, il sera nommé une troisième fois “Jeu le plus attendu de l’année” ?

Diversifier la photo du GOTY

Le plus frustrant, c’est que le problème n’est pas insoluble. Selon moi, il faudrait donc retravailler la catégorie et le choix des nommés. Le plus évident serait déjà de ne pouvoir élire que des jeux vidéo n’ayant pas reçu le titre (voire de nominations !) par le passé. Dans un second temps, définir des bornes fixes concernant les possibles prétendants par exemple en imposant qu’ils aient une date de sortie précise et connue : ce n’est pas le cas de The Witcher 4, qui peut aussi figurer parmi les prétendants l’année prochaine s’il venait à gagner ET à sortir en 2027.

Plus ambitieux encore, on pourrait profiter de cette catégorie pour diversifier l’image de ce que l’attente représente dans le jeu vidéo. Obliger, par exemple, les médias spécialisés à proposer une liste de prétendants couvrant plusieurs genres ou tailles de production (AAA, AA, indie) plutôt que de laisser le champ libre aux seuls gros mondes ouverts d’action-aventure, déjà omniprésents dans la catégorie “Jeu de l’année”. Or, les dernières éditions ont montré que le public est prêt à plébisciter autre chose : entre Baldur’s Gate 3, Astro Bot, Balatro ou, cette année, des prétendants comme Clair Obscur : Expedition 33, Hades 2 ou Hollow Knight: Silksong, la photo du GOTY s’est largement diversifiée.

Au fond, ce n’est pas GTA 6 qui est à blâmer : qu’un jeu de cette ampleur cristallise les attentes, c’est presque mécanique. Ce qui pose problème, ce sont des règles qui transforment cette hype en récompense répétable, au risque de tourner en rond et de priver d’autres projets d’un moment, même symbolique, sous les projecteurs. Si l’on veut que ces “Oscar du jeu vidéo” racontent autre chose qu’un éternel bras de fer entre les mêmes géants, il faudra tôt ou tard accepter de repenser la façon dont on célèbre l’attente elle-même. Ça aussi, c’est un éléphant dans la pièce dont il faudrait s’occuper.