De Nuremberg à Nuremberg : Un Documentaire Marquant sur les Origines du Fascisme et les Crimes de Guerre

Titre original : “Non merci” Ce chef-d’oeuvre retrace l’un des conflits les plus meurtriers de l’Histoire… et a failli connaître un destin tragique

Un documentaire fleuve, essentiel pour la compréhension de l’époque la plus sombre du XXe siècle, a marqué l’histoire de la télévision française et est devenu un outil pédagogique fondamental. Pourtant, cette œuvre monumentale, qui dépeint le conflit le plus meurtrier de l’humanité avec ses 80 millions de victimes, a passé deux années entières dans les cartons d’une chaîne nationale avant de pouvoir être diffusée.

Trente-six ans après sa sortie, le documentaire De Nuremberg à Nuremberg, réalisé par Frédéric Rossif et Philippe Meyer, demeure une œuvre de référence incontournable. Diffusé pour la première fois en novembre 1989 sur Antenne 2, ce film de quatre heures en deux parties, qui couvre la période allant du congrès du parti nazi à Nuremberg en 1935 jusqu'au procès des criminels de guerre dans cette même ville entre 1945 et 1946, offre un tableau terriblement lucide, poignant et effrayant de la première moitié du XXe siècle. Cette période a d'ailleurs été qualifiée par l'immense historien britannique Eric Hobsbawm comme étant « l'âge des extrêmes ».

"L’Âge des Extrêmes" : une analyse poignante des origines du fascisme

L'ambition des auteurs, qui ont nécessité deux ans de travail à l'écriture et au montage, était de dépeindre l'enchaînement des faits historiques tout en remontant aux causes profondes et à la génèse des fascismes, incluant une réflexion sur le rôle du communisme stalinien. Ce projet a été conçu par deux générations distinctes, ainsi que l'a raconté Philippe Meyer : « Ce film a été fait par deux générations : celle qui a connu cette époque, comme Frédéric Rossif, qui s'était engagé dans la Légion étrangère durant la guerre. Et par moi qui suit de la génération d'après ».

Rossif, déjà reconnu pour son documentaire Mourir à Madrid en 1963, souhaitait transmettre cette tragédie qui l'avait personnellement affecté, mais il ne voulait surtout pas réaliser un simple « film d'indignation » ou une œuvre moralisatrice quarante ans après les faits. L’objectif principal était d’atteindre une large audience tout en montrant à la fois la « macro Histoire » et les « destins individuels ».

Le pari risqué d’un montage virtuose et d’une diffusion retardée

La puissance émotionnelle absolument dévastatrice du film, qui peut s'ouvrir sur le champ des œuvres fictionnelles, réside dans l'usage impitoyable d'images d'archives, parfois rares, assemblées grâce au montage de Rossif. Le commentaire, écrit et dit par Philippe Meyer lui-même, est soutenu par la partition musicale de Vangélis. Pour garantir l'objectivité et éviter toute surcharge émotionnelle, Meyer a insisté sur une écriture épurée, soulignant que : « Frédéric était un virtuose du montage, avec une idée maîtresse : on ne prend pas la place de celui qui nous regarde. On ne lui dit pas ce qu'il doit ressentir. On l'informe ». Bien qu'il ait été envisagé qu'un acteur dise le texte, Meyer a finalement décidé de le faire lui-même, réalisant qu'un comédien « ne pourrait pas s'empêcher de jouer le texte ».

“Non merci” Ce chef-d’oeuvre retrace l’un des conflits les plus meurtriers de l’Histoire… et a failli connaître un destin tragique

Malgré sa reconnaissance ultérieure, ce chef-d'œuvre a failli ne jamais être diffusé, étant resté « dans les placards de la chaîne » pendant deux ans. Les raisons évoquées pour ce délai incluaient la crainte de « diviser les français » ou d’influencer la campagne présidentielle de 1988. L'argument ultime, qui a failli aboutir au retrait pur et simple du film de l'antenne, était particulièrement frappant, comme l'a rapporté Philippe Meyer : « le nazisme, non merci, ça n'intéresse plus personne ». Malgré ces réticences initiales, l'œuvre a connu une postérité remarquable, s’imposant comme un élément pédagogique majeur pour l'enseignement secondaire de l'Histoire du XXe siècle.