Cela fait presque une décennie que la célèbre saga de Capcom proposant des zombies, aux côtés de Resident Evil, est restée enterrée dans le cimetière des anciennes licences à succès du jeu vidéo. Il se murmure qu’elle pourrait revenir avec un épisode inédit… Tant mieux, j’ai passé d’excellentes heures en sa compagnie. Mais Dead Rising 4 m’a rendu aussi froid qu’un de ses livides protagonistes à cause de ses choix très discutables.
Cet article étant un billet d’opinion, il est par nature 100 % subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV. Bonne lecture !
Dead Rising n’est pas aussi permissif que son côté foutraque laisse sous-entendre
La rumeur vient du site MP2st. Un nouvel épisode de Dead Rising serait en développement et pourrait être bientôt annoncé. Son nom de code serait “Rec” (oui, comme le film d’horreur réalisé par le duo Paco Plaza/Jaume Balagueró) et il proposerait au joueur de se battre dans un studio de cinéma hollywoodien contre un réalisateur un peu dérangé. Plusieurs personnages connus de la série seraient de retour, tels que Frank West et Isabela Keyes. Les zombies seraient toujours de la partie histoire de pimenter la progression. Oui, il y a un petit côté “Dead Set” dans ce pitch qui se propage sur le Net tel le virus-T dans les rues de Racoon City.

Cette rumeur, qu’elle soit fondée ou non, me rappelle les nombreuses heures passées sur la série Dead Rising. La série de Capcom est un mélange audacieux entre Beat them all débridé et survival-horror implacable. Le premier volet a su me retourner le cerveau, ce qui aurait peut-être pu le rendre plus indigeste pour les zombies du centre commercial de Willamette. Sous son aspect gentiment décomplexé, le titre impose des règles contraignantes. Certes, le joueur peut choper des armes ubuesques, conduire des véhicules amusants et revêtir des costumes hilarants, mais il fait face à deux menaces : celles de ses adversaires, bien sûr, et celle du temps qui passe. Willamette regorge en effet de psychopathes souvent impressionnants et de quêtes à accomplir avant la fin d’un chronomètre.

Les deux épisodes qui ont suivi, sobrement intitulés Dead Rising 2 et Dead Rising 3, ont livré quelques nouveautés sympathiques tout en rendant le jeu toujours plus accessible. Ces suites ont simplifié le système de sauvegarde, rendu les boss plus dociles, proposé des “armes combo” destructrices, amélioré l'IA des survivants et ont rendu le temps qui passe moins punitif. Le problème, c’est que cette simplification, au début bienvenue, a muté en une chimère repoussante avec le quatrième épisode. En voulant le faire ressembler à tous les autres jeux du marché, Capcom a dangereusement formaté Dead Rising.

Le jeu vidéo pensé pour tout le monde qui n’intéresse plus personne
Il faut reconnaître qu’avec l'émergence des open-worlds décalés offrant une grande liberté d’action, que ce soit avec les Just Cause ou les Saints Row (tous nés en 2006 comme Dead Rising), la série de Capcom a rencontré un problème. Devait-elle rester exigeante dans ses règles comme un “vrai” survival-horror faisant la part belle à l’action WTF ? Devait-elle autoriser toutes les folies au joueur sans qu’il n'y ait de conséquences, comme ses concurrents ? Avec Dead Rising 4, sorti en 2016, Capcom a tranché : leur nouveau jeu sera pour tous les fans d’action et utilisera les codes des autres productions vidéoludiques en guise de modernisation du concept. Mais comme le dirait Camille Chamoux dans Hot Ones, ce qui fait le charme du piment d'Espelette, c’est le fait qu’il n’a pas le même goût que les autres piments.

Dead Rising 4 est un Dead Rising auquel on aurait retiré tout ce qui faisait le charme des premiers épisodes. Bon, oui, il faut toujours tuer plein de zombies avec des armes qui sortent des sentiers battus, mais l’expérience est plus travestie qu’un Frank West ayant passé trop de temps dans les boutiques de mode de Willamette. Le fait de remettre le reporter dans le centre commercial donne presque l’impression que les développeurs eux-mêmes ne savaient pas vraiment quoi faire de la licence. Le quatrième volet fait penser à un reboot et l’extrême simplification de ses mécaniques de jeu va dans ce sens. Rendez-vous compte : Dead Rising 4 abandonne le chronomètre : il n’y a plus de cycle jour-nuit, il n’y a plus de cas à débloquer à heure fixe, il n’y a plus de zombies qui mutent à la tombée de la nuit. En outre, les survivants ne sont plus à escorter et les checkpoints, nombreux, retirent toute crainte de mourir.

Je conçois que ces modifications soient faites afin d’attirer un public amateur d’action ne souhaitant pas se prendre la tête, quand bien même cela irait à l’encontre de l’idée de base de Dead Rising. À vrai dire, il reste un défouloir sympa. Cependant, cette standardisation – voire cette aseptisation – se constate jusque dans le cœur du jeu. Frank West devient une sorte de pitre, les personnages annexes sont beaucoup moins intéressants et les psychopathes, les vrais personnages clés des Dead Rising, sont quasiment gommés. Ces fous font désormais partie de la horde de zombies et ne sont jamais mis en valeur, que ce soit par des séquences bien orchestrées ou des cutscenes convenablement gérées. Ils ne sont que des PNJs classiques dans un monde ouvert… sans âme. Dead Rising, qui avait su s’ancrer dans un hommage perpétuel aux œuvres cinématographiques horrifiques, perd ici un argument de poids.

L'abolition de multiples éléments faisant partie de l'ADN de Dead Rising sans que rien de mieux n’émerge dans le quatrième volet m’a beaucoup déçu. Dans un dialogue, Frank West dit qu'il faut “faire l’histoire, mais ne pas se laisser manger par elle”. Dommage pour lui, la grande histoire du jeu vidéo a préféré le dévorer et ne l’a recraché qu’à l’occasion d’un remaster (sorti l’année dernière). Si Dead Rising et Frank West reviennent vraiment, j’espère que Capcom s’inspirera des origines de la saga afin de mieux se démarquer de ce que l’on retrouve dans le paysage vidéoludique actuel. Ou au minimum : faire tout l'inverse de Dead Rising 4.