Avec plus de 150 millions de dollars récoltés en un an, Star Citizen pulvérise ses propres records en 2025. Entre expansion galactique et fidélisation extrême de ses joueurs, l’alpha de Cloud Imperium Games défie les lois de l’économie vidéoludique.
Le MMO ultime, le rêve spatial le plus cher de l'histoire, ou encore le "simulateur de JPEG" pour les plus cyniques : Star Citizen ne laisse personne indifférent. Lancée en 2012 par Chris Roberts, l'épopée de Cloud Imperium Games (CIG) continue de tracer sa route, portée par une communauté dont la générosité semble ne connaître aucune limite. Alors que l'on attend toujours une date de sortie ferme pour la campagne solo Squadron 42, l'année 2025 vient de s'achever sur un constat financier qui donne le tournis. Loin de s'essouffler après treize ans de développement, le projet semble avoir trouvé une vitesse de croisière inédite, transformant chaque mise à jour en véritable machine à billets.
Star Citizen : revenus annuels issus des joueurs

Star Citizen : un coffre-fort qui ne connaît pas la crise
Le tableau de bord de CIG affiche une insolente santé de fer en cette fin d'année. Historiquement, l'année 2023 servait de point de référence avec 117 millions de dollars de contributions, un chiffre déjà colossal pour un titre qui n'est techniquement pas sorti en version finale. Mais 2025 a pulvérisé ce plafond de verre en dépassant la barre symbolique des 150 millions de dollars récoltés. Pour beaucoup d’autres studios de jeux vidéo, une telle somme représenterait le budget total d'un blockbuster AAA sur plusieurs années ; pour Star Citizen, il s'agit simplement du budget pour une seule année civile. 2026 devrait quant à elle marquer le franchissement du cap du milliard de dollars de budget total pour Star Citizen.
Cette pluie d'or ne provient pas uniquement d'un afflux massif de nouveaux arrivants. Si le nombre de comptes créés en 2025 a bondi de 40 % pour atteindre environ 675.000 nouveaux joueurs, ce chiffre reste inférieur au record de 2022, où plus de 871.000 curieux avaient tenté l'aventure. Le constat est donc limpide : le moteur de croissance actuel, ce sont les joueurs déjà installés. Les vétérans ont mis la main au portefeuille de manière plus agressive, portés par des ventes de vaisseaux toujours plus sophistiqués et des skins qui s'arrachent. La réussite de 2025 repose sur cette capacité unique à maintenir l'engagement (et la carte bleue) des fidèles de la première heure.
Nombre de nouveaux comptes créés par an dans Star Citizen

L'expansion galactique comme moteur de vente
Comment justifier une telle injection de cash après plus d'une décennie d'attente ? La réponse tient en deux mots : contenu et stabilité. CIG a passé la seconde en 2025 en injectant une quantité de contenu inédite dans l'Alpha. L'introduction de deux nouveaux systèmes stellaires a radicalement changé l'échelle du jeu, offrant enfin aux explorateurs des horizons au-delà du système Stanton.
Et du côté des hangars, la récolte a été fructueuse. Ce ne sont pas moins de vingt-sept nouveaux vaisseaux qui ont fait leur apparition cette année. Du vaisseau médical au chasseur léger et nerveux, chaque sortie est un événement marketing millimétré qui vide les portefeuilles.
En tant que joueur suivant le projet depuis neuf ans, je dois aussi admettre que l'expérience globale a gagné en sérieux : les crashs serveurs intempestifs et les retours Windows systématiques, qui étaient la norme autrefois, se sont raréfiés. La sensation de jouer à un "vrai" jeu, et non plus à une simple démonstration technique instable, est enfin là. Hélas, tout est encore loin d’être parfait : les bugs sont toujours nombreux, par exemple avec des quêtes qui ne se valident pas ou des personnages qui traversent les murs ou le sol.
Star Citizen : le paradoxe du "toujours plus"
Cette réussite insolente cache pourtant une réalité plus complexe pour l'avenir du titre. Star Citizen est prisonnier d'un paradoxe permanent : plus le développement dure, plus CIG doit créer de nouveaux vaisseaux à vendre pour générer des rentrées d'argent suffisantes, et plus la difficulté de maintenir la cohérence d’ensemble s'accroît. Cette stratégie de saturation, bien que lucrative, pose la question du Power Creep (les nouveaux vaisseaux rendant les anciens obsolètes). Les vaisseaux sortis en 2025 sont souvent puissants et bénéficient des derniers standards techniques, avec des intérieurs plus détaillés, des composants accessibles physiquement pour l'ingénierie, et un sound design convaincant.
En comparaison, des vaisseaux plus anciens (comme le Starfarer ou le Freelancer) souffrent de la comparaison. Cela crée une dette technique accrue : chaque ancien vaisseau nécessiterait une mise à jour, et l'écart de qualité entre "vieux" et "nouveaux" va forcer CIG à planifier des refontes coûteuses en temps pour harmoniser la flotte.
Et là, nous avons pris l'exemple des vaisseaux, mais c’est exactement le même problème pour tout le reste : le design des planètes, le level design des missions… Le vieux contenu côtoie le nouveau : au fil des années qui passent, la nécessité de retravailler des pans entiers du jeu devient importante pour que l'ensemble reste cohérent. Le risque est donc bien là : chaque vieux système, chaque vieille mission, chaque vieux vaisseau demande une maintenance et des ressources supplémentaires pour être mis aux standards actuels.
Si 2025 est une année record sur le plan comptable, elle souligne aussi l'immense responsabilité de Cloud Imperium Games. Les joueurs ont prouvé qu'ils étaient prêts à payer ; il reste maintenant à CIG de prouver qu'il peut transformer ce rêve en un produit finalisé, capable de sortir un jour de son statut d'éternelle Alpha.