Les jeux vidéo d'hier favorisent la satisfaction durable et la patience, contrairement aux modèles modernes axés sur l'addiction et la gratification instantanée

Titre original : Les jeux vidéo, c’était vraiment mieux avant… du moins sur un point bien précis

Boucles infinies, dopamine facile, monétisation agressive : selon plusieurs experts, les jeux vidéo modernes ne sollicitent plus le cerveau des enfants de la même manière que ceux des années 1990.

Et si les jeux vidéo, c’était vraiment mieux avant ? Attendez : avant de vous insurger contre cette petite question tout à fait innocente, laissez-moi vous expliquer. Je ne lance pas ce débat d’un point de vue ludique, mais bien d’un point de vue cognitif. Et ce n’est pas tellement moi qui le dis, ce sont les experts.

Des jeux finis, une satisfaction durable

Dans les années 1990, nul besoin de rappeler à quel point le médium et notre rapport à celui-ci étaient radicalement différents d’aujourd’hui. Les jeunes frissonnaient sur la route Arc-en-Ciel de Mario Kart et s’extasiaient en découvrant un passage secret dans Pokémon, sans l’aide d’internet. Nos précieuses expériences tenaient sur des cartouches et des disquettes et, surtout, elles avaient un début et une fin. Aujourd’hui, les jeunes jonglent, pour la plupart, entre les battle pass de Fortnite, les événements de Roblox et s’aventurent dans des jeux conçus si différemment qu’ils modifient la manière dont le cerveau des enfants traite les défis et les récompenses.

« Avant, vous vous battiez à travers les niveaux, mémorisiez des schémas et finissiez par voir le générique de fin », explique Veronica Lichtenstein, conseillère en santé mentale agréée, qui compare la satisfaction procurée par les jeux des années 1990 à l’achèvement d’un projet difficile. La victoire offrait alors au cerveau une dose de satisfaction solide et durable.

Les jeux vidéo, c’était vraiment mieux avant… du moins sur un point bien précis

À l’inverse, une grande partie des jeux modernes a tout simplement abandonné l’idée même de « fin » au profit d’une boucle infinie. Veronica Lichtenstein décrit le plaisir qu’ils procurent comme une forme de « dopamine de malbouffe » : des gratifications rapides, faciles, mais éphémères, qui incitent les enfants à rechercher une stimulation permanente plutôt qu’une satisfaction lente, construite et réellement méritée. C’est d’ailleurs un peu ce que je ressens quand j’engloutis un menu Long Chicken commandé à 15 euros sur Uber Eats sur un coup de tête.

Cette mécanique est rarement innocente et se retrouve très souvent liée à la monétisation. Là où les jeux d’antan proposaient une expérience complète dès l’achat, de nombreux titres actuels instaurent volontairement un léger inconfort, voire une frustration diffuse, que le joueur peut soulager en passant à la caisse. « Tout cela crée une boucle parfaite pour l’addiction. Il n’y a pas de véritable “fin”, donc vous n’obtenez jamais de sentiment de clôture », explique Mme Lichtenstein. On ne termine plus un jeu : on y reste.

Quand jouer n’apprend plus à patienter

Les jeux vidéo, c’était vraiment mieux avant… du moins sur un point bien précis

Cette évolution ne se limite pas à la structure des jeux, elle semble aussi grignoter l’esprit critique. Dans les années 1990, être bloqué signifiait réfléchir, tester, se tromper… ou appeler un ami à l’aide. Jouer, c’était une vraie épreuve, parfois étalée sur plusieurs jours. Aujourd’hui, la solution se trouve en quelques secondes sur Google, quand elle n’est pas directement suggérée par le jeu lui-même, devenu bien plus directif. Combien de fois ai-je honteusement repompé la solution d’un puzzle trop difficile sur internet, après seulement quelques minutes de réflexion, juste pour aller plus vite… je n’oserais le dire. Lichtenstein cite ainsi l’exemple de son fils, confronté à Pokémon Rouge (1996), qui jetait le joueur dans l’aventure avec un minimum d’explications, puis à Pokémon Soleil et Lune (2016), dont les tutoriels s’étirent lourdement sur le premier quart de l’expérience.

Une impression largement corroborée par la recherche. Une étude publiée en 2022 dans BMC Psychology établit un lien entre usages problématiques des jeux vidéo et difficultés attentionnelles chez les enfants, lesquelles sont associées à une baisse de certaines capacités cognitives et d’apprentissage. Une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) souligne que ce ne sont pas les écrans en eux-mêmes, mais les usages vidéoludiques sans fin et difficiles à interrompre qui sont associés à une dégradation de la santé mentale chez certains enfants au fil de l’adolescence. Là où les jeux d’hier renforçaient la confiance en soi par la maîtrise progressive d’une compétence, beaucoup de jeux modernes testent avant tout la « résistance psychologique » des enfants. Comme le résume sans détour Veronica Lichtenstein : « Une grande partie d’entre eux est conçue pour surveiller, exploiter et rendre dépendant. » Bref, c'est quoi la morale dans tout ça ? Pas la peine d’acheter une PS5 à vos enfants : sortez plutôt votre vieille GameCube du grenier et laissez la magie opérer… Non, non, ce n’est pas du tout pour faire des économies d’argent que je propose ça...