Pourquoi le film Elden Ring doit s'éloigner du fan service pour réussir : une analyse de l'adaptation cinématographique

Titre original : Non, le film Elden Ring ne doit pas forcément chercher à faire plaisir aux fans !

A24 et Alex Garland s’attaquent au colosse Elden Ring. Un jeu qu’il est impossible d’adapter littéralement, et c’est une excellente chose !

C'est acté depuis un moment : le mariage entre FromSoftware et le studio A24 est consommé. Avec Alex Garland (Ex Machina, Annihilation) confirmé à l'écriture et à la réalisation, l'adaptation d'Elden Ring quitte le royaume des fantasmes pour entrer en production. Mais alors que les rumeurs évoquent déjà Kit Connor (Heartstopper) dans le rôle-titre, une clameur inquiète monte des tréfonds d'Internet. Le mot d'ordre des puristes ? « Fidélité ». Une exigence compréhensible, mais qui pourrait bien être le pire poison pour ce projet. Pour que ce film ne finisse pas dans le cimetière des adaptations ratées, il doit impérativement s'affranchir de la tyrannie du fan service. De toute manière, adapter littéralement le jeu est impossible, et c'est une excellente nouvelle.

La « Caméra-stylo » : Réécrire le mythe plutôt que le décalquer

Lorsque j’ai commencé la série The Last of Us sur HBO après avoir poncé les deux jeux de Naughty Dog, j’ai rapidement compris qu’elle n’aurait rien de plus à m’offrir. Je me suis ennuyée devant un récit que je connaissais déjà par cœur, privé de l’âme que lui conférait l’interactivité. Même constat en relançant les films Harry Potter après la lecture des romans : j’assistais à un "best-of" expéditif, vidé de la richesse organique du matériau original. L'erreur fondamentale serait de concevoir le film Elden Ring comme une récompense pour les joueurs, une simple cinématique de deux heures. Le cinéma possède sa propre grammaire. C'est ici que la vision d'Alexandre Astruc devient vitale : le cinéaste ne doit pas être un illustrateur, mais un auteur qui « écrit avec sa caméra ». L'outil doit devenir pour le réalisateur ce que le stylo est pour l’écrivain. L'annonce d'un script de 160 pages pondu par Garland devrait nous rassurer : nous n'aurons pas droit à un produit calibré. Et tant mieux.

Non, le film Elden Ring ne doit pas forcément chercher à faire plaisir aux fans !

Elden Ring pose de toute façon un défi fascinant : on accuse souvent les jeux FromSoftware de ne pas "raconter d'histoire". C'est un contresens. Ils ont un univers d'une densité folle, mais pas de trajectoire imposée. Dans le jeu, le joueur est le moteur ; au cinéma, ce moteur s'arrête. Il n'y a pas de texte sacré à réciter, seulement une atmosphère à traduire. En ce sens, Alex Garland est un choix superbe. Il a fini le jeu six fois, il connaît l'Entre-terre. Mais c'est aussi l'homme qui a transformé le livre Annihilation en un trip métaphysique autonome. S'il choisit Kit Connor pour incarner un protagoniste défini, il brise la règle du "héros muet". C'est nécessaire. Le cinéma impose une psychologie que le jeu dilue dans l'action. Vouloir condenser des centaines d'heures d'exploration sans trahir la structure du jeu est une chimère.

Trahir l'œuvre pour mieux la sauver

Il faut se rendre à l'évidence : les plus grandes adaptations sont souvent des trahisons réussies. Rappelons-nous Stanley Kubrick qui, avec Shining, a vidé le roman de Stephen King de sa chaleur émotionnelle pour en faire un monument de géométrie froide. King a détesté ; le monde a adoré. De même, Les Fils de l'homme d'Alfonso Cuarón n'est qu'un lointain cousin du livre original, et c'est pourtant un chef-d'œuvre. L'adaptation ne doit pas être une photocopie. Le jeu Elden Ring existe déjà, il est parfait, il se suffit à lui-même. Vouloir le reproduire strictement est artistiquement vain. Avec A24 à la production (studio connu pour laisser une liberté totale à ses réalisateurs) Garland a les cartes en main pour oser. Lâchons la grappe aux réalisateurs. Laissez-les trahir, réinventer et nous bousculer. Car au fond, qu'y a-t-il de plus fidèle à l'esprit de FromSoftware que de nous plonger dans un monde inconnu où l'on perd, enfin, tous nos repères ?